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Libération

Slovaquie : victoire sans majorité pour le populiste de gauche Robert Fico

A force de discours anti-migrants et anti-musulmans, Robert Fico a fait entrer l'extrême-droite la plus virulente au parlement slovaque et manqué de rassembler une majorité suffisante pour gouverner. Un casse-tête alors que la Slovaquie prendra les rênes de l'UE en juillet.
Robert Fico à son arrivée au sommet européen sur la crise des migrants, le 7 mars à Bruxelles. (Photo Thierry Charlier. AFP)
publié le 7 mars 2016 à 14h29

On le compare souvent à Viktor Orban, le quasi-despote qui dirige la Hongrie. Le Premier ministre slovaque Robert Fico partage une partie de ses vues mais n’a jamais disposé de tant de pouvoirs. D’une certaine manière, il reste un ovni sur la scène politique européenne. Il se dit de gauche mais mène une politique favorable aux groupes oligarchiques. Il dit qu’il veut défendre les petits pays contre les grands au sein de l’Union européenne, dont la Slovaquie est membre depuis 2004, mais éprouve une réelle sympathie pour la politique de puissance de Vladimir Poutine.

Mis en difficulté à la suite de plusieurs scandales de corruption dans lesquels ont été impliqués ses proches, Fico avait choisi ces derniers mois un nouveau champ de bataille : la défense des frontières contre les migrants, le refus des quotas de répartition des migrants syriens décidés par l'UE, et le «non» aux musulmans. Et il n'avait pas fait dans le détail : «Nous ne laisserons jamais entrer un seul musulman en Slovaquie, car ils représentent un sérieux risque pour la sécurité», avait-il lancé lors d'un meeting électoral. Cette politique n'a pas fait gagner de voix à son parti, Smer-Social démocratie, crédité de 49 des 150 sièges aux législatives de samedi (contre 83 dans l'assemblée sortante). Les électeurs ont préféré l'original à la copie et fait entrer plusieurs partis de l'extrême droite à l'assemblée, dont la formation pro-nazi, LS-Nase Slovensko (Notre Slovaquie) de Marian Kotleba, gouverneur de la région de Banska Bystrica, crédité de 14 sièges.

Discrédit

A 51 ans, Fico est un vieux routier de la politique. Il avait été aux affaires de 2006 à 2010, en coalition avec les nationalistes du SNS, ce qui lui avait valu d’être expulsé du groupe socialiste européen, puis était revenu en mars 2012. Mais en 2014, il a échoué à se faire élire président contre un quasi inconnu, le multimillionnaire et philanthrope Andrej Kiska. Les mesurettes sociales prises par Fico après cet échec, dont la hausse du salaire minimum ou la gratuité des transports pour les étudiants et les retraités, n’ont par la suite pas réussi à booster Smer, de plus en plus discrédité pour ses liens avec les milieux d’affaire.

Depuis l’automne dernier, quand il a décidé de faire de la lutte contre l’immigration son principal cheval de bataille, Fico irrite ses partenaires socialistes européens, qui ont à plusieurs reprises menacé de l’expulser de leur groupe. Pas inquiet le moins du monde, le leader du Smer est même allé jusqu’à déposer auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne au Luxembourg une plainte contre les quotas européens de migrants. En juillet, la Slovaquie prendra pour six mois la présidence tournante de l’UE, une perspective qui en inquiète plus d’un. D’autant qu’on ignore encore avec quel parti ou partis le Smer sera capable de former un gouvernement. S’il renoue avec le SNS, le parti national slovaque, avec lequel il a gouverné pendant la décennie précédente et qui a emporté 15 sièges, son image n’en sera pas améliorée. Bien au contraire, puisque le SNS est surtout connu pour ses positions anti-hongroises et anti-Rom. Un tournant vers ses anciens rivaux libéraux ou démocrates-chrétiens n’est pas pour l’instant à l’ordre du jour. Mais Fico n’ayant, à en croire les analystes slovaques, aucune idéologie, son choix reste imprévisible.