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Libération
Récit

Opération «coins calmes» contre salles de prière

Au nom du principe de neutralité, deux lieux dédiés au culte musulman de l’université de Berlin vont fermer lundi. Ou comment la méfiance prend le pas sur la tolérance religieuse.
Université technique de Berlin, le 19 juin 2015. (Photo Hannibal Hanschke. Reuters)
publié le 11 mars 2016 à 19h21

Lorsqu'il prend ses fonctions en 2014, Christian Thomsen est bien décidé à appliquer à la lettre le principe de neutralité religieuse dans son établissement. Le nouveau président de l'Université technique de Berlin (TUB) entend donc fermer le plus rapidement possible les deux salles de prière occupées régulièrement par les étudiants musulmans : une salle de sport réservée à la prière du vendredi, et une pièce dite «calme» pour les prières quotidiennes. «Mais ce n'est jamais le bon moment pour ce type de décision», constate-t-il aujourd'hui.

La fermeture initiale, prévue pour fin 2014, est repoussée une première fois. Le mouvement anti-islam Pegida enregistre alors ses premiers succès, et la TUB ne veut pas d'amalgame. Une seconde décision, tombée cette fois en plein débat sur les réfugiés, est repoussée au cours de l'été 2015. C'est finalement ce lundi que les deux salles fermeront. «Il y a suffisamment de mosquées dans les environs pour les étudiants», explique la direction.

Malaise. Les étudiants concernés ne sont pas de cet avis. Une pétition a réuni plusieurs centaines de signatures. «Le problème est que nous ne savons même pas combien il y a d'étudiants musulmans à l'université, explique Omar, engagé dans la bataille. Nous n'aurons d'autre choix que de déplier nos tapis sous les escaliers ou entre deux étagères à la bibliothèque», assure l'étudiant. La décision de Christian Thomsen n'est pas isolée, et elle illustre le malaise qui entoure aujourd'hui l'islam en Allemagne.

Rideau. Plusieurs universités ont suivi le même chemin ces dernières années. Celle de Dortmund vient de fermer sa salle de prière après l'apparition d'un rideau sensé séparer un espace réservé aux jeunes filles et considéré par la direction comme «incompatible avec le principe d'égalité des sexes». Les jeunes femmes s'étaient plaintes de se voir imposer le voile par leurs camarades masculins.

A Essen, des non-musulmans se sont plaints de se voir interdire l'usage de l'ascenseur et des toilettes du bâtiment T04 le vendredi, à l'heure de la prière. La salle du bâtiment où s'effectuaient les prières a été fermée. A Bochum, la police a fait fermer le lieu de culte de l'université en 2012 : le salafiste Sami A., un ancien garde du corps de Ben Laden, avait transformé les lieux en point de rencontre. «Cette expérience a été un échec», estime la direction de l'université.

Longtemps, les universités allemandes ont fait preuve d’une grande tolérance religieuse, ouvrant des salles de prières en 2006 à Hambourg, en 2010 à Düsseldorf, en 2012 à Munich… Aujourd’hui, la méfiance l’emporte, et bien des universités préfèrent isoler un coin calme à l’aide d’un rideau que mettre une pièce fermée - non contrôlable - à la disposition des musulmans.

A l'encontre de cette tendance, l'université de Cologne ouvrira une salle de prière en juin. «La salle sera à la disposition de toutes les confessions», précise la direction. «Un règlement intérieur définira très clairement ce qui est autorisé et interdit, avertit le président de l'établissement, Patrick Honecker. Comme à Dortmund, nous n'accepterons pas de séparation des sexes.»