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Libération
Vu d'Istanbul

Migrants : l'opposition turque outrée par l'accord avec l'UE

Des partis politiques et des membres de la société civile pointent un abandon des valeurs européennes et des mesures très difficiles à mettre en oeuvre.
Le camp de réfugiés de Kilis, en Turquie, près de la frontière syrienne, le 9 février. (Photo Zuma. REA)
publié le 18 mars 2016 à 18h32

L'accord entre l'Union européenne et Ankara sur la crise migratoire est critiqué par les responsables de l'opposition turc ainsi que les universitaires et porte-parole des ONG. «La Turquie deviendra une zone tampon entre le Moyen-Orient et l'Europe. Je propose de donner 6 milliards d'Euros à l'Union européenne pour qu'elle reçoive l'ensemble des migrants syriens, afghans et pakistanais», a lancé Kemal Kilicdaroglu, chef de la principale formation d'opposition, le CHP (sociaux-démocrates, 133 sièges sur 550). «Cet accord est contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'Europe. Ainsi, L'Union européenne ne respecte pas ses propres valeurs et ses propres règles», a-t-il insisté.

Les déclarations des dirigeants européens qui, comme François Hollande, affirment que l'on ne peut accepter «les entorses aux droits de l'homme et aux droits de la presse même si l'on peut comprendre que la Turquie veuille se protéger du terrorisme», ne suffisent pas à rassurer, alors même que l'Europe semble prête à fermer les yeux sur les dérives autoritaires du président islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan, en échange de son engagement à fixer les migrants.

«Liberté de la presse»

«Il s'agit d'un marchandage sur le dos des réfugiés. L'Europe ferme volontairement les yeux devant la violation des droits de l'homme en Turquie», écrivent dans une lettre ouverte adressée au président du Conseil de l'Europe, Donald Tusk, au président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, et à la chancelière allemande, Angela Merkel, les deux coprésidents du HDP (Parti démocratique des peuples, kurde et gauche, 59 sièges) dont Selahattin Demirtas lui-même, menacé de voir suspendue son immunité parlementaire.

Mais ce sont les ambiguïtés même de l'accord, sans même parler des difficultés à le concrétiser, qui suscitent aussi nombre de critiques. «L'UE ne peut pas lever l'obligation de visas pour les 70 millions de citoyens de Turquie. Le processus d'adhésion d'Ankara à l'UE ne peut être réellement accéléré et enfin ce n'est pas avec 3 milliards d'Euros qu'on peut arrêter le flux de réfugiés vers l'Europe», relève Cengiz Aktar, universitaire spécialiste de l'élargissement de l'UE. Quant aux responsables politiques et chroniqueurs proches du gouvernement turc, qui avaient au départ chaleureusement salué «le succès de la diplomatie turque», ils commencent désormais à se plaindre de «l'UE qui avance les droits de l'homme et la liberté de la presse en Turquie comme condition pour la signature finale de l'accord».