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Libération

SOS Méditerranée : le prochain sauvetage

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publié le 18 mars 2016 à 19h41

Pendant vingt et un jours, Jean-Paul Mari, journaliste et écrivain, a tenu pour Libé le journal de bord de l'Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée qui mène une opération de sauvetage de migrants. Retrouvez les précédents épisodes sur Libération.fr.

«Il est minuit, la mer est calme, je ne parviens pas à trouver le sommeil. A terre, sur la côte libyenne, les migrants se préparent à tenter la grande traversée.Ils sont plusieurs centaines. Ils découvrent cette mer qu’ils n’ont jamais vue. A 100 mètres du rivage, les bateaux gonflables les attendent, deux boudins de mauvais plastique, un vieux moteur, un plancher de fortune. Les passeurs leur ordonnent d’entrer dans l’eau. Les migrants ne savent pas nager. Tous pataugent, s’agrippent, se battent, certains se noient. On s’entasse. Il est 3 heures. L’esquif a pris la mer sans les passeurs - pas fous ! - qui ont laissé la barre à un des hommes.

«Deux heures plus tard, le bateau est en détresse. On colle des rustines sur les boudins percés qui se dégonflent, le moteur cafouille, les planches du sol cèdent et déchirent le plastique. A bord, tous sont malades. Leurs vêtements trempés dès le départ, le vent, le froid qui les tétanise, les vagues qui les font vomir, l’obscurité sur l’eau qui les terrifie.

6 h 11, l'heure où le jour pointe sur Tripoli. Le pilote a lancé un SOS et, quand il a un GPS, donné sa position. 6 h 15, message radio du centre maritime de Rome à tous les navires sur zone : «Embarcation pneumatique en détresse. Une centaine de personnes. Extrême vigilance. Coordonnées…» Sur l'Aquarius, les veilleurs balaient la mer de leurs jumelles. Un cri. Les voilà. Ils sont à deux doigts de sombrer. L'équipe de secours met son premier canot à la mer. Il est 7 heures. Moi, je suis revenu à terre. Je ne verrai pas le prochain sauvetage. Mais l'Aquarius est en place. Je peux enfin m'endormir.»