La frontière gréco-turque fermait officiellement dimanche soir, tant pour les immigrés économiques que pour les demandeurs d’asile. Ceux qui arrivent dans les îles grecques sont désormais censés être renvoyés vers la Turquie, en vertu de l’accord conclu vendredi entre l’UE et Ankara qui met fin au droit d’asile, au moins temporairement. En théorie…
Les renvois ont-ils commencé ?
«L'accord sur le renvoi des nouveaux arrivants sur les îles devrait, selon le texte, entrer en vigueur le 20 mars, mais un tel plan ne peut pas être mis en place en seulement vingt-quatre heures», a reconnu Giorgos Kyritsis, le coordinateur de la politique migratoire grecque. L'organisation aussi rapide du renvoi systématique des arrivants est une tâche quasi impossible : «Il faudra des semaines, voire un miracle, pour que ces expulsions de masse se mettent en place», explique un diplomate. «Avec 1 000 demandes par jour, le bureau d'asile grec est totalement débordé. Alors avec 2 000 ou 3 000 par jour, il vaut mieux oublier»,dit un policier européen sur place. Une aide de l'UE est prévue : selon la Commission, 4 000 agents (officiers de protection du droit d'asile chargés de faire le tri, interprètes et juges statuant sur les recours des déboutés du droit d'asile) devront être mobilisés, dont un millier de «personnels de sécurité et militaires» et quelque 1 500 policiers grecs et européens. Pourquoi avoir proclamé que l'accord entrerait en vigueur dimanche ? «Pour éviter […] un appel d'air», explique un fonctionnaire. Plusieurs centaines de personnes ont gagné les îles grecques samedi avant le gong fatal. «L'effet d'annonce peut marcher. Depuis décembre, les Grecs placent à nouveau en centre de rétention les Algériens et les Marocains […], et le flux s'est brutalement tari», raconte un diplomate en Grèce.
Qui sera concerné ?
Tous les arrivants à compter de dimanche soir. Les 50 000 personnes coincées en Grèce, après la fermeture de la route des Balkans, sont exclues de l’accord, tout comme le million de migrants et de réfugiés se trouvant dans d’autres pays européens. Pour libérer de la place dans les îles du Dodécanèse, Athènes a entrepris d’évacuer vers le continent tous ceux qui s’y trouvent encore. Leur sort sera tranché selon les anciennes règles, qui ne prévoient pas d’automaticité du refus des demandes d’asile et aucun engagement de réadmission par Ankara. Désormais, ceux qui arriveront seront accueillis dans l’un des cinq centres d’accueil situés à Lesbos, Leros, Chios, Samos et Kos. Pour l’instant, ils n’offrent que 6 000 places, mais 20 000 sont prévues. Si un étranger est candidat à l’asile (presque personne ne l’est actuellement en Grèce, pour continuer sa route), sa demande sera examinée sur-le-champ : s’il est passé par la Turquie ou un pays de «premier asile», sa demande sera automatiquement jugée «irrecevable» et il sera renvoyé en Turquie. Il pourra faire appel de cette décision. Ceux qui n’y sont pas candidats seront immédiatement rembarqués.
Techniquement, comment auront lieu ces expulsions ?
L'agence Frontex, chargée de coordonner le contrôle des frontières extérieures de l'UE, a annoncé la mise à disposition de huit navires de 300 à 400 places. Ce qui est insuffisant au rythme actuel des arrivées (145 000 depuis début janvier selon l'Organisation internationale pour les migrations). Pour l'instant, les Turcs n'ont désigné qu'un seul point de débarquement en face de Lesbos… et «rien n'est prévu en cas de résistance», soupire un policier européen. Les scènes de rembarquement risquent d'offrir quelques images brutales.