Au terme d’une opération secrète, les dix-sept derniers Juifs du Yémen désireux de fuir leur pays ravagé par la guerre ont été exfiltrés et ont atterri à Tel-Aviv dans la nuit de dimanche à lundi. Emmenés par leur rabbin, Sleiman Dahari, ces immigrants ont emporté avec eux une torah et des documents historiques de première importante puisque la communauté juive du Yémen passe pour l’une des plus anciennes du monde.
«Dieu soit béni, c'est un nouveau miracle qui met fin à toutes nos souffrances. Nous sommes arrivés au paradis, je vais enfin pouvoir aller prier devant le mur des Lamentations», a déclaré le rabbin Dahari, qui n'avait manifestement pas encore pris conscience de la vie qui l'attend. Très religieux, peu éduqués et ignorants du mode de vie occidental, ces «olim» (nouveaux émigrants) devront en effet prendre leur mal en patience pour s'intégrer dans une société dont les codes sont à mille lieues de leurs coutumes ancestrales centrées autour du rabbin, de la synagogue et de la famille.
49 000 départs clandestins entre 1949 et 1950
Entre 1949 et 1950, quelques mois à peine après sa création et alors que des pogroms se déroulaient notamment à Aden, l’Etat hébreu avait déjà organisé le départ clandestin de la plus grande partie des Juifs du Yémen. Baptisée «Tapis magique» et organisée sous la protection des Etats-Unis et du Royaume-Uni, cette opération avait alors permis d’exfiltrer 49 000 personnes à bord de 380 vols nocturnes non immatriculés.
Mais tous les Juifs du Yémen ne sont pas partis. Certains se sont convertis à l’islam et d’autres se sont fondus dans le paysage, poursuivant leurs activités en mode discret. Leur émigration a cependant repris au goutte-à-goutte à partir des années 90, et surtout en 2008 et en 2012, après que deux rabbins eurent été égorgés pour des motifs religieux et que des filles de la communauté eurent été enlevées pour être converties de force à l’islam avant d’être vendues comme esclaves sexuelles.
Situation intenable
Ces derniers mois, il ne restait plus que 250 Juifs au Yémen. C’est ceux-là que l’Agence juive (l’organisme semi-public chargé de «faire monter» les Juifs en Israël) a exfiltrés avec l’aide d’un département spécial du Mossad ainsi que du département d’Etat américain. L’opération a été montée sans l’accord des autorités de Sanaa. A en croire le porte-parole de l’Agence juive, leur vie était en danger. De toute façon, la guerre à laquelle se livrent l’Iran et les régimes sunnites de la région par l’intermédiaire de factions yéménites locales rendait leur situation intenable.
Pour l’heure, il ne reste plus qu’une quarantaine de Juifs au Yémen. Ceux-là refusent de se rendre en Israël. Ou ailleurs. Ils veulent rester au Yémen en dépit des conditions humanitaires difficiles. Parqués dans un camp à proximité du quartier des ambassades étrangères, ils bénéficient ainsi d’une sorte de protection internationale. Outre le Yémen, l’Agence juive opère également clandestinement dans d’autres pays arabes. Elle a ainsi réussi à exfiltrer quelques-uns des huit derniers Juifs irakiens ainsi que plusieurs Syriens.