«Qu’est-ce que grandir ?» se demande-t-on, en quittant Nadejda Tolokonnikova, à quelques mètres du Théâtre de l’Odéon dans le chic VIe arrondissement de Paris, un quartier plus propice à des déambulations modianesques qu’à l’actionnisme d’une punk. Et pourtant, elle est là, à fumer une cigarette devant l’entrée d’un hôtel quatre-étoiles. Avec ses cheveux teints en noir et bleu, son maquillage prononcé, ses chaussettes Bambi longues et vertes, son bomber léger argenté, sa jupe bleue et ses baskets orangées, la Pussy Riot détonne avec les autres clients. Mais appartient-elle encore vraiment à un autre monde ? Pas sûr, tant le temps du groupe artistique Voïna semble loin. A 26 ans, la jeune Russe est en tournée européenne pour son livre Désirs de révolution. Ce n’est pas vraiment un manifeste, ni une biographie. Dans une succession de paragraphes courts et numérotés, elle mélange souvenirs, anecdotes, appels à la lutte contre Vladimir Poutine et à l’émancipation féministe. Ce sont des haïkus guerriers lancés à la face du lecteur. Devant un café, dans la salle à manger de l’hôtel, elle se dit admirative de Brodsky, poète et Nobel russe : «Je voulais tendre vers la poésie.»
Nadejda Tolokonnikova est née au monde en mars 2012. Avec deux autres de ses comparses, elles sont arrêtées pour «hooliganisme» après une «prière punk» chantée dans une cathédrale moscovite où elles ont, brièvement, dénoncé les collusions entre l'Eglise orthodoxe et l'