Le président syrien célèbre «l'important exploit de la libération de Palmyre». Sa propagande ne peut rêver meilleur symbole que la reconquête de cette ville et des célèbres ruines antiques de la capitale de la reine Zénobie, tombées entre les mains de l'Etat islamique (EI) en mai 2015. Les jihadistes y avaient multiplié les exactions avec exécutions à grand spectacle et destructions du patrimoine. Par cette opération, Bachar al-Assad, dont les soldats n'avaient jusqu'ici guère affronté directement l'EI sur le terrain, espère reconquérir un peu de légitimité internationale, alors que le premier round de négociation pour une solution politique de la guerre s'est achevé le 24 mars à Genève. Se montrer comme un indispensable partenaire dans la lutte contre le jihadisme est un bon moyen de justifier son maintien au pouvoir, au moins pendant une phase de transition, alors que son sort est l'un des enjeux cruciaux des discussions. A Téhéran et plus encore à Moscou, ses parrains en sont conscients. Ils n'ont pas lésiné sur les moyens. Les forces spéciales russes ont appuyé au sol les combattants du Hezbollah libanais, encadrés par les pasdaran qui suppléent une armée syrienne exsangue, et l'aviation russe a multiplié les frappes.
Cette victoire majeure contre l'EI, la plus importante depuis celle des forces kurdes à l'automne 2014 à Kobané, ne doit pas faire oublier les réalités. Palmyre, où était installée l'une des pires prisons du régime, entra en rébellion dès 2011, puis fut repris un an plus tard par les forces de Bachar, qui y ont commis «des pillages et des vols d'objets antiques», comme le rappelle l'historien Maurice Sartre. Au printemps 2015, quand l'EI lança son offensive sur la ville, les forces du régime se replièrent sans combattre et sans même utiliser contre les colonnes jihadistes les avions et les hélicoptères massivement mis à contribution pour bombarder les populations civiles des zones tenues par la rébellion démocratique.
Au nom d’un prétendu réalisme, certains clament aujourd’hui haut et fort qu’il faut s’allier avec Bachar al- Assad contre l’EI comme on s’était allié avec Staline contre Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale. Venus pour Pâques à Damas en soutien aux chrétiens d’Orient, cinq élus du parti Les Républicains, dont Thierry Mariani, ont été reçus par Al-Assad appelant l’Union européenne à lever les restrictions sur la Syrie. Cet apparent bon sens fait oublier que la quasi-totalité des 260 000 morts - voire plus plus de 400 000, selon des estimations plus pertinentes - sont le fait des soudards d’Al-Assad. C’est aussi ce régime sanguinaire que fuit l’écrasante majorité des millions de réfugiés arrivés dans les pays voisins ou en Europe. Toute alliance, même indirecte, avec le «boucher de Damas», et a fortiori l’acception de son maintien en fonction, même par des élections - qui seront aussi truquées que les précédentes -, ne ferait qu’alimenter encore un peu plus le brasier syrien. Avec des effets dévastateurs sur tout le Moyen-Orient, mais aussi sur l’Europe.