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décryptage

Royaume-Uni : pourquoi Cameron augmente le Smic de 7,5%

Vendredi, le salaire minimum va connaître une hausse sans précédent outre-Manche. Un geste réel du Premier ministre britannique, mais non sans arrière-pensées politiques.
David Cameron veut aussi apaiser les tensions dans son parti. (Photo Justin Tallis. AFP)
publié le 30 mars 2016 à 18h38

C’est une hausse sans précédent. A partir de vendredi, le Smic va connaître une augmentation de 7,5%, passant de 6,70 livres brut de l’heure à 7,20 livres (9,20 euros). Du jamais vu outre-Manche, championne de l’économie libérale. Et encore plus étonnant : d’ici 2020, le salaire minimum devrait croître de 30% pour atteindre 9 livres de l’heure (11,4 euros). Le Royaume-Uni serait alors l’un des pays de l’OCDE à enregistrer un Smic aussi élevé. Par comparaison, en France, le salaire minimum est aujourd’hui de 9,67 euros brut de l’heure.

Qui est concerné ?

Dès ce vendredi, ce sont donc 1,9 million de salariés, de plus de 25 ans, payés au minimum légal, qui vont profiter de cette augmentation, en particulier les femmes et ceux âgés de plus de 66 ans toujours en activité, précise la Resolution Foundation. D’ici 2020, ce sont 6 millions de personnes qui seront concernées, ajoute le think tank.

Mais des voix s'élèvent pour dénoncer des disparités à travers le Royaume-Uni. En effet, tous les salariés ne seront pas touchés de la même manière. En réalité, «un tiers des salariés vont ressentir une différence. Ainsi, dans le quartier financier de la City, seuls 3% des employés vont, par exemple, bénéficier de cette hausse», détaille Torsten Bell, directeur de Resolution Foundation. De plus, cette augmentation ne touchera pas les travailleurs indépendants, souligne une étude menée par la Social Market Foundation (SMF). «Cette situation pourrait donc creuser l'écart entre les salariés et les indépendants, sachant qu'il est déjà moins cher pour une entreprise de faire appel à ces derniers», se désole Nicola Broughton, directrice de la SMF.

Les entreprises, elles, vont devoir s'ajuster afin de compenser cette hausse du coût du travail. «Elles vont devoir se réorganiser et s'adapter. Au final, elles seront obligées de réduire le nombre d'heures et les avantages accordés à leurs salariés», dit à Libération Josh Hardie, directeur adjoint de la Confederation of British Industry (CBI), l'équivalent du Medef en France. Au total, 60 000 employés seraient concernés, notamment dans les secteurs de la restauration ou encore de l'aide à domicile.

Quelle stratégie politique ?

Avec un marché du travail qui ne connaît que 5% de chômage et avec 500 000 postes créés chaque année, le gouvernement semble prendre peu de risques. Cette mesure apparaît avant tout comme une manœuvre politicienne pour séduire l'opposition travailliste qui réclame depuis toujours «la réduction des inégalités salariales».

David Cameron espère aussi apaiser les tensions suscitées au sein de son propre parti après l’annonce de nombreuses réductions des prestations sociales lors de la présentation du budget, le mois dernier. Le ministre du Travail, Iain Duncan Smith, avait notamment démissionné, protestant contre la baisse des allocations allouées aux personnes handicapées. Le Premier ministre britannique avait finalement fait marche arrière. Un coup d’éclat dont il se serait bien passé alors que les tories se déchirent sur la question du «Brexit», à moins de trois mois du référendum.