Depuis que le groupe sidérurgique indien Tata Steel a annoncé mardi qu’il allait vendre toutes ses usines de production d’acier au Royaume-Uni, le pays tremble.
Les syndicats et l'opposition travailliste demandent à l'Etat d'intervenir financièrement pour sauver l'une d'entre elles : Port Talbot, au pays de Galles, dont les pertes s'élèvent à 1,3 million d'euros chaque jour. «Il faut nationaliser pour stabiliser la situation, assure John McDonnell figure de l'opposition parlementaire. Et permettre ainsi à Tata Steel d'attendre qu'un repreneur prenne le relais.» Même discours du côté des syndicats de l'usine.
Sous pression, le Premier ministre David Cameron est finalement rentré précipitamment à Londres mercredi soir, écourtant ses vacances familiales à Lanzarote, aux Canaries. Un Conseil des ministres organisé en urgence s'est tenu tôt jeudi matin. Réunis autour de la table, les principaux ministres concernés ont discuté de la possibilité d'une nationalisation, même temporaire. Un débat plutôt inattendu sous un gouvernement conservateur. Manquaient à l'appel Sajid David, ministre des Entreprises, rentré trop tard d'un voyage d'affaires en Australie, et George Osborne, ministre des Finances, retenu à Paris dans le cadre d'une réunion du G20. A la sortie, le chef du gouvernement a mis fin aux voix discordantes qui circulaient autour d'une potentielle nationalisation : «Je ne crois pas qu'une nationalisation soit la bonne solution. Ce que nous voulons, c'est assurer un avenir durable à Port Talbot et à d'autres aciéries du Royaume-Uni.» David Cameron assume : «C'est une situation difficile, en sortir victorieusement n'est pas assuré. Toutes les options restent ouvertes», y compris celle d'une reprise par les salariés.
Mais l'opposition ne veut pas en rester là. Elle souhaite, en pleines vacances de Pâques, que le «gouvernement rappelle tous les députés afin que le sujet soit débattu au Parlement». Pour John McDonnell, David Cameron a une grande part de responsabilité dans cette affaire : «Il doit maintenant apporter le soutien financier attendu lors de la présentation du budget et qui n'a pas eu lieu sur la diminution du taux d'imposition des entreprises, cinq à sept fois supérieur», comparé au reste de l'Europe.
D'autres assimilent cette situation à la crise financière de 2008. «Le gouvernement n'avait alors pas hésité à injecter des milliards de livres du contribuable britannique pour sauver les banques», rappelle Len McCluskey, président de Unite, principal syndicat du pays. Selon lui, la même initiative devrait avoir lieu aujourd'hui. Car, au-delà des 5 500 emplois de Port Talbot, les usines de Rotherham, Corby et Shotton sont également concernées. Au total, 15 000 emplois directs sont menacés et plus de 40 000 indirectement dans une région où l'économie locale a déjà souffert de la perte de l'industrie du charbon dans les années 80. Des fermetures qui avaient entraîné des grèves massives, violemment réprimées par Margaret Thatcher.