Arrestations d’opposants
Selon l'écrivain et professeur franco-djiboutien Abdourahman Ali Waberi, opposé au régime en place, « La création de l'USN est un acte fort de résistance politique de la part du peuple djiboutien». Après la victoire contestée de l'Union pour la majorité présidentielle (UMP) , le parti de Guelleh, aux élections législatives, Djibouti a connu une vague de protestations. Afin de mettre un terme à cette crise politique, le gouvernement et l'USN ont ratifié en 2014 un accord-cadre pour la création d'une Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui n'a toujours pas été mise sur pied. Daher Ahmed Farah, le porte-parole de l'USN, dénonce ce qu'il considère être «une mascarade électorale» et appelle au boycott du scrutin. Mais nombreux sont ceux qui se sont désolidarisés du mouvement pour tenter leur chance dans la course à la présidentielle, accentuant encore plus les divisions internes. En tout, six candidats se présentent pour ce scrutin.
Face à ces multiples tensions et désaccords, le président sortant fait figure de favori. Pour Abdourahman Ali Waberi, qui observe cette élection depuis les Etats-Unis — il enseigne la littérature française et francophone à l'université George-Washington —, «il n'y aura rien de nouveau puisque le dictateur va gagner, regrette l'auteur de Passage des larmes (JC Lattès, 2009), récit poétique sur l'exil et la politique de la Corne de l'Afrique. Mais tout peut changer si une colère monte de la base, du peuple. L'histoire est toujours en mouvement.»
Le massacre de Balbala
Dans la foulée, la police prend d'assaut une réunion de l'opposition. Arrestations, violences, condamnations… Pour avoir publié la liste des victimes de Balbala, le fondateur de la LDDH, Omar Ali Ewado, est arrêté et condamné à trois mois de prison ferme. Le 31 décembre, le Parlement proclame l'état d'urgence, et deux députés de l'opposition sont exclus de l'Assemblée.
Le double langage d’Ismaïl Omar Guelleh
Ismaïl Omar Guelleh semble indéboulonnable. D’autant qu’une réforme constitutionnelle adoptée en 2010 par un Parlement djiboutien majoritairement acquis à sa cause supprime la limitation du nombre de mandats présidentiels, lui laissant ainsi le champ libre.
Pour Abdourahman Ali Waberi, le président Guelleh et son gouvernement pratiquent un «double langage». «D'un côté, le ministre des Affaires étrangères, Mahamoud Ali Youssouf, use d'un discours édulcoré en langue anglaise à destination de la communauté internationale, et de l'autre, via les rares déclarations bien plus dures de Guelleh en langue somalienne, qui se distinguent nettement de celles de son ministre». L'écrivain évoque également «le malaise du président Guelleh face à la presse internationale, qu'il cherche à éviter.»
Le pouvoir en place à Djibouti, ancienne puissance coloniale, entretient toujours des liens très forts avec la France. Le 22 mars, Jean Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, a rencontré son homologue Djiboutien à Paris, et a réaffirmé le «soutien de la France au développement de Djibouti».
Deux phases antagonistes peuvent être repérées dans les relations de la France avec Djibouti, d'après Waberi : «La première serait une phase dite diurne où la France s'inquiète de l'élection présidentielle à venir et exhorte le gouvernement djiboutien à respecter le bon déroulement de l'élection [à l'image de ce communiqué publié par le Parti socialiste le 6 avril, ndlr]. La seconde, une phase nocturne, pendant laquelle la France apporterait en secret des conseils politiques au régime en place.»
«Entre le marteau et l’enclume»
La location aux puissances étrangères profite au pouvoir en place, et lui permet d'accentuer son influence internationale. Mais ce business «serait de moins en moins bénéfique pour le peuple djiboutien, pris entre le marteau du militarisme international et l'enclume de la dictature du gouvernement», dépeint Abdourahman Ali Waberi.
Des conteneurs sur le port de Djibouti, en mars. Le pays cherche à en faire un véritable «hub» régional. Photo Simon Maina. AFP