Les aveux tardifs du Premier ministre, David Cameron, ne sont pas du goût des Britanniques. Si, légalement, le chef du gouvernement n'a rien à se reprocher dans l'affaire des Panama Papers, moralement, c'est plus compliqué. Son intervention sur la chaîne ITV jeudi soir a déclenché une tempête politique. De nombreux députés de l'opposition se sont emparés des réseaux sociaux pour dénoncer l'attitude du locataire de Downing Street. «Dégagez cet hypocrite. David Cameron a été moins qu'honnête. Il devrait démissionner immédiatement», a ainsi twitté vendredi matin le député travailliste John Mann. «Je ne suis pas certain que le peuple lui pardonnera. Il a dénoncé d'autres figures publiques alors qu'il a profité des mêmes arrangements», a souligné sur Sky News le vice-président du Labour, Tom Watson.
En vacances parlementaires, les députés seront de retour la semaine prochaine. Et déjà, Owen Smith, en charge des questions d'emploi et de retraite pour l'opposition, demande à David Cameron de venir s'exprimer dès lundi pour expliquer «la position du gouvernement sur l'évasion fiscale». En admettant avoir détenu des parts dans le fonds fiduciaire de son père immatriculé aux Bahamas puis de les avoir vendues avant de prendre ses fonctions en 2010, le chef du gouvernement s'est en réalité mis en porte-à-faux, lui le pourfendeur de la transparence financière. «Il a toujours dénoncé ceux qui avaient recours aux paradis fiscaux en les accusant d'avoir "moralement tort" pour ensuite faire la même chose ! Comment voulez-vous que son autorité reste intacte ?», lance à Libération Denis MacShane, ancien ministre britannique des Affaires européennes.
Lettres rouges
De son propre aveu, depuis la publication dimanche soir des révélations des «Panama Papers» impliquant son père, David Cameron «vit des jours difficiles». Toute la semaine, la presse ne l'a pas lâché. «Enfin ! Il a avoué», titraient vendredi l'ensemble des quotidiens. Le Daily Telegraph, journal très conservateur, évoquait même la «pire semaine» du Premier ministre. Quant au Daily Mirror, l'un des tabloïds les plus lus, il appelait en grosses lettres rouges à la démission du chef du gouvernement.
«Il n'est pas question de démission car il n'a rien fait d'illégal mais cette affaire n'a pas fini de le poursuivre», assure Denis MacShane. Déjà confronté à la menace d'un Brexit, David Cameron traverse désormais une grave crise d'autorité. «Cette affaire jette de l'huile sur le feu et renforce la menace d'un Brexit. Comment voulez-vous que les gens fassent confiance à un Premier ministre qui cache qu'il possède de l'argent dans les paradis fiscaux et qui assure que c'est primordial de voter pour rester dans l'Europe ?», s'interroge l'ancien ministre. Et d'ajouter : «Aujourd'hui, les députés conservateurs pro-européens sont très inquiets» quant à l'issue du vote. Côté sondage, le dernier, publié le 3 avril pour The Observer, estime que 43% des gens interrogés sont pour que leur pays quitte l'Union européenne tandis que 39% sont en faveur de rester au sein de l'UE. La part des indécis reste, elle, toujours élevée, à 18%. Il reste encore deux mois et demi au Premier ministre pour les rallier dans son camp.