Vladimir Poutine n'a décidément peur de rien. Il a réagi jeudi pour la première fois au scandale des «Panama Papers» lors d'un forum à Saint-Pétersbourg intitulé «Vérité et justice» (ça ne s'invente pas). «Foutaises !» a déclaré le président russe. Dans une longue envolée lyrique, Poutine s'est employé à vanter les talents de son ami de longue date, Sergueï Roldouguine, qui apparaît comme son homme de paille, lui ayant permis à lui et ses proches de sortir au moins 2 milliards de dollars d'argent public de Russie et de les cacher dans des sociétés offshore aux Caraïbes.
La carte de l’ingénu
Poutine a joué la carte de l'ingénu : «Quel élément de corruption ? Il n'y en a aucun.» Mais il s'est tout de même empressé de préciser que lui, personnellement, ne figurait nulle part dans les documents incriminants. Au cas où. Quant à Roldouguine, c'est un «brillant violoncelliste», «un homme créatif». D'ailleurs, a expliqué le chef du Kremlin, «beaucoup de gens créatifs en Russie […] essayent de faire des affaires et d'après ce que je sais, lui aussi. Mais quel est son business ? Il est actionnaire minoritaire d'une société russe. Et il y gagne de l'argent, mais pas des milliards de dollars.» L'excuse invoquée par Poutine vaut son pesant d'or : «Presque tout l'argent qu'il gagne, il le dépense pour acquérir des instruments de musique à l'étranger et les ramener en Russie. Des choses coûteuses.»
Sauf que selon les sources ouvertes décortiquées par l'avocat anti-corruption Alexeï Navalny, les achats récents d'instruments «coûteux» du théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, Stradivarius et autres Guarneri, s'élevant à 13 millions de dollars, ont été prélevés dans les caisses de l'Etat et non pas de la poche généreuse du violoncelliste et chef d'orchestre Roldouguine. Le quotidien indépendant Vedomosti souligne de son côté qu'officiellement, la Russie n'importe pas plus de 50 millions de dollars d'instruments de musique par an. Et la chaîne d'opposition TV Rain s'est fendue d'une infographie montrant tout ce que l'on aurait pu acheter avec 2 milliards de dollars : les deux Stradivarius les plus chers au monde, plus 46 061 pianos italiens, plus 131 000 violons, plus 1 477 443 violoncelles, plus 1 388 692 flûtes, plus 436 666 altos…
Mais ce qu'il faut retenir de toute cette histoire, selon Vladimir Poutine, c'est surtout que l'enquête a été commanditée et financée par les Etats-Unis. «Ce qui irrite le plus nos adversaires, c'est l'unité et la cohésion de la nation russe», a expliqué le Président à un public galvanisé. C'est pourquoi l'objectif des «Panama Papers» est avant tout de «déstabiliser le pays de l'intérieur», en «minant au sein de la société la confiance envers le pouvoir».