C'est une trêve précaire, déjà violée à quelques reprises, mais qui tient tout de même. Elle a débuté lundi dans un pays ravagé et épuisé par un an de bombardements et de combats. Depuis mars 2015, la guerre au Yémen a fait 6 300 morts, pour moitié des civils, et 30 000 blessés. Plus de 80% de la population a un besoin urgent d'aide humanitaire. «[Cette trêve] est essentielle, urgente et indispensable. Le Yémen ne peut pas se permettre de perdre davantage de vies», a déclaré le médiateur de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed. Trois autres cessez-le-feu avaient été décrétés en 2015, sans succès. Cette fois, l'objectif est de tenir jusqu'au 18 avril et l'ouverture de pourparlers de paix à Koweït sous l'égide de l'ONU.
Où en est la situation militaire ?
Les lignes ne bougent plus vraiment depuis plusieurs mois. Les rebelles houthis et leurs alliés, dont des unités de l'armée fidèles à l'ancien président Ali Abdallah Saleh, conservent toujours le contrôle de Sanaa, la capitale. Ils s'en étaient emparés en septembre 2014, après une offensive éclair lancée depuis leur fief du nord du pays. D'obédience chiite, et soutenus par l'Iran, ils voulaient chasser du pouvoir le président sunnite Abd Rabo Mansour Hadi. Après la prise de la capitale, ils ont progressé vers le sud. Mais, en mars 2015, l'Arabie saoudite monte une coalition avec les Emirats arabes unis et commence à bombarder les positions houthies. En juillet, les loyalistes reprennent Aden, la grande ville du sud, et entament la reconquête des territoires perdus. Ils sont bloqués depuis à Taëz. «Ils ont réussi à chasser les houthis de Taez mais les rebelles restent présents autour de la ville», note Franck Mermier, anthropologue et directeur de recherches au CNRS.
Une solution politique est-elle envisageable ?
Aucun des camps ne parvenant à s'imposer militairement, l'ONU va tenter de les pousser à accepter la mise en place d'un gouvernement d'union nationale lors des pourparlers de Koweït. L'un des points de discorde sera la place à accorder au président Abd Mansour Hadi. Les houthis le considèrent comme illégitime, à l'inverse de l'ONU. Autre point d'achoppement : le rôle que devra jouer Ali Abdallah Saleh. Renversé après le soulèvement de la population, en 2011, il est aujourd'hui allié avec les rebelles qu'il avait combattus lorsqu'il était au pouvoir. «Saleh est jugé totalement incontrôlable. Mais le problème est qu'il a un énorme pouvoir de nuisance. Il a le soutien d'unités de l'armée les mieux formées et les mieux armées. Il faudra d'abord convaincre et donner des garanties aux responsables militaires pour qu'ils le lâchent», explique Franck Mermier.
L’aide humanitaire va-t-elle pouvoir être acheminée ?
C'est l'un des objectifs de la trêve. La population vit dans des conditions catastrophiques. Les ONG dénoncent depuis des mois le blocus imposé par l'Arabie saoudite alors que le Yémen, pays le plus pauvre du Moyen Orient, était déjà très largement dépendant des importations avant la guerre. D'après l'ONG Care, 82% des habitants ont aujourd'hui besoin d'aide. Les puits ne fonctionnent presque plus, faute d'essence pour faire tourner les pompes. Environ 14 millions de personnes, sur 24 millions, sont en situation «d'insécurité alimentaire», selon Médecins du monde. Les médicaments manquent alors que les cas de dysenterie se multiplient faute d'eau potable. Les maladies chroniques ne sont plus soignées. Près de 2,5 millions de Yéménites ont en outre été forcés de quitter leur domicile à cause des combats. Très peu ont pu se réfugier à l'étranger. Au nord, l'Arabie saoudite a fermé sa frontière, où se massent des milliers de personnes. Rejoindre Oman, à l'est, suppose de traverser des territoires contrôlés par Al Qaeda dans la péninsule arabique (Aqpa). Seuls ceux qui habitaient près des ports de la côte sud et qui avaient les moyens de payer la traversée ont pu rejoindre la Somalie ou Djibouti.