«Quand j’ai découvert l’histoire des paradis fiscaux, c’était irréel pour moi. Comment ces gens peuvent-ils se sentir à ce point au-dessus des citoyens et être à ce point en deçà de leur mission ? Alors je manifeste autant que je peux. Comme lors du krach en 2008, même si je n’ai rien perdu, parce que je n’avais rien. Mes parents - ma mère est avocate, mon père architecte - ont aussi été épargnés. Ils sont très frugaux. Ne dépensent jamais ce qu’ils n’ont pas. Ce dont je me souviens, c’est de ma désolation à Noël, quand les gens venaient à la librairie pour acheter des romans étrangers et que les étagères étaient vides. Plus d’importations, plus de livres en anglais, on a eu des gros problèmes de stock pendant un an. Je ressentais un immense sentiment de frustration.
«Comme aujourd’hui, où cette histoire des Panama Papers nous fait honte alors que je rêve d’être fier de mon pays. Je pars bientôt aux Etats-Unis. Et je m’en réjouis. Je ne fuis pas mon pays, mais ça tombe bien. Là-bas, ma compagne fera un doctorat de littérature, moi, des traductions. Et surtout, je vais pouvoir écrire à loisir. Ici, en Islande, on ne rêve pas d’être acteur, mais écrivain. Après avoir publié des textes en anglais, j’écris des nouvelles courtes dans des revues en islandais. Je ne serai pas là à l’automne, quand les élections législatives vont se tenir. Mais je voterai, même si je ne suis pas très engagé politiquement. Je rêve de gens de confiance.
«Je ne sais pas encore pour qui je vais voter, mais j’espère bien que dans quatre ans, quand je vais rentrer, le niveau d’éthique aura monté. Et le niveau des débats aussi. Ici, on ne discute pas, on assène. C’est terrifiant. On ne s’écoute pas, alors qu’on doit cohabiter dans ce petit endroit éloigné.»