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Libération
Interview

Aide au développement : «La France n'est qu'à la moitié de son engagement»

Christian Reboul, d'Oxfam France, revient sur les promesses non tenues par Paris en matière de solidarité internationale.
L'absence d'école a un impact sur le comportement des plus jeunes. (Photo Bülent Kilic. AFP)
publié le 13 avril 2016 à 18h44

L'OCDE a publié, ce mercredi, les chiffres de l'aide publique au développement (APD). En 2015, on constate une hausse de près de 7% par rapport à 2014. Fait notoire : l'aide consacrée aux réfugiés dans les pays hôtes a plus que doublé, pour atteindre en 2015 12 milliards de dollars (10,6 milliards d'euros). Malgré cette hausse globale, la France ne consacre que 0,37% de son revenu national brut à l'aide au développement, bien en dessous des 0,7% promis. Christian Reboul, chargé des questions de l'aide au développement à Oxfam France, regrette le manque d'engagement de la France.

L'aide consacrée à l'accueil des réfugiés dans les pays hôtes a doublé en 2015. Cette augmentation a-t-elle eu un impact sur les fonds dédiés aux programmes de développement des pays les plus pauvres ? 

Avant la sortie de ces statistiques, on craignait que le financement sur l'accueil des réfugiés ne vienne vampiriser l'aide publique au développement. Mais quand on regarde de plus près les chiffres pour 2015, on est assez rassurés. Si on déduit les fonds consacrés aux réfugiés, l'APD reste en hausse [de 1,7% en termes réels ndlr]. C'est le cas des grands pays qui ont mobilisé beaucoup de financements pour l'accueil des réfugiés, comme l'Allemagne ou la Suède. Pour l'instant, ce financement de l'accueil des réfugiés s'est fait de manière additionnelle, mais on ne sait pas ce qui se passera l'année prochaine.

La France fait-elle à nouveau figure de mauvais élève ? 

Son APD est largement en baisse depuis cinq ans. Alors que les pays s'étaient engagés au Sommet du millénaire de l'ONU, il y a quinze ans, à consacrer 0,7% de leur revenu national brut (RNB) à l'APD, la France stagne à 0,37%. On ne peut pas parler de rebond. On n'est qu'à la moitié de l'engagement, ce qui contraste avec l'évolution d'autres pays, comme le Royaume-Uni [qui se maintient à 0,71% depuis 2013] ou la Suède [qui a augmenté son aide, hors coûts d'accueil des réfugiés, de 10% en 2015]. C'est décevant étant donné le contexte international et les crises. On avait accueilli positivement le discours de François Hollande en septembre 2015 au Nations unies, où il s'était engagé à consacrer 4 milliards d'euros supplémentaires à l'APD d'ici à 2020. La France doit maintenant repartir sur une véritable trajectoire ascendante pour atteindre l'objectif de 0,7%, qui est un minimum au regard des enjeux du monde. On va pouvoir vérifier son engagement dès cette année, lors du vote du budget.

Que pensez-vous de la répartition de l'aide française ? 

Quand on regarde le dernier rapport d'activité de l'Agence française de développement (AFD), l'opérateur principal de l'aide, l'engagement financier atteint 8,3 milliards d'euros. Mais sur cette somme, seulement 210 millions sont dédiés au financement des projets des pays les plus pauvres sous forme de subventions. La France privilégie les prêts vers les pays intermédiaires qui peuvent rembourser. Mais elle mobilise très peu de crédits budgétaires sous forme de subventions pour les pays les plus pauvres.