L'attaque s'est produite en pleine heure de pointe matinale. Un véhicule piégé par les talibans et une fusillade ont secoué le centre de Kaboul mardi matin, faisant au moins 30 morts – des civils pour la plupart – et 327 blessés. «Un assaillant a garé un camion de chantier sur le parking attenant au bâtiment» et l'a fait exploser, a déclaré Abdul Rahman Rahimi, le chef de la police de la capitale afghane. Il s'agit de la première attaque des insurgés dans la capitale afghane depuis le début de leur «offensive de printemps». Elle visait un bâtiment gouvernemental. Des journalistes de l'AFP ont senti les maisons vibrer, des vitres ont volé en éclats, une colonne de fumée s'élevait dans le ciel et des sirènes de police et d'ambulances retentissaient dans toute la ville.
Les rebelles islamistes ont revendiqué cet attentat-suicide à la voiture piégée, une tactique dont ils font régulièrement usage contre les forces afghanes dans l’insurrection qu’ils mènent depuis la chute de leur régime fin 2001.
Le président afghan Ashraf Ghani a condamné «dans les termes les plus forts l'attaque terroriste de ce matin qui a fait de nombreux morts et blessés parmi nos compatriotes». D'après le ministère de la Santé, 208 personnes ont été blessées, dont certaines «très grièvement».
«Larbins» des forces étrangères
La première explosion, entendue à des kilomètres à la ronde, a été perpétrée au moyen d'une «voiture piégée conduite par un kamikaze», selon Sediq Sediqqi, le porte-parole du ministère de l'Intérieur. Puis «des combattants sont entrés à l'intérieur du complexe», selon Zabiullah Moudjahid, porte-parole habituel des talibans, une assertion que les services de sécurité n'étaient pas en mesure de confirmer.
Cependant des journalistes de l'AFP présents sur place ont entendu des échanges de tirs nourris à proximité du bâtiment que le NDS, les services de renseignement afghans, dit avoir occupé par le passé. De même source, le complexe serait aujourd'hui utilisé par la présidence. Les talibans ont fréquemment recours aux attentats-suicides contre la police et l'armée afghanes, ainsi que les services de renseignement, qualifiés de «larbins» des forces étrangères déployées en Afghanistan.
Les talibans ont annoncé il y a tout juste une semaine le début de leur «offensive de printemps», «l'Opération Omari», en mémoire du mollah Omar, le défunt fondateur de leur mouvement. Ils disent vouloir mener des «attaques de grande envergure» dans tout le pays, notamment contre les 13 000 soldats de l'Otan et les forces de sécurité afghanes.
Du mal à contenir l’insurrection talibane
Les insurgés ont ainsi lancé vendredi un assaut contre Kunduz, la grande ville du Nord, qu’ils étaient parvenus à envahir et à tenir pendant quelques jours à l’automne dernier. L’armée afghane, seule en première ligne depuis la fin de la mission de combat de l’Otan fin 2014, a toutefois réussi à repousser cette nouvelle offensive sur Kunduz.
Sans l'appui des troupes étrangères sur le terrain, les forces de sécurité ont toutes les peines du monde à contenir l'insurrection talibane, à laquelle s'ajoute depuis un peu plus d'un an la campagne des combattants du groupe Etat islamique, notamment dans l'Est afghan. D'après l'Otan, «environ 5 500» soldats et policiers ont péri l'an dernier au front, mais les civils payent aussi un lourd tribut aux violences. L'année 2015 a été la plus sanglante pour eux depuis que l'ONU a commencé en 2009 à compter le nombre d'Afghans tués ou blessés dans le conflit. La guerre a fait au total 11 002 victimes civiles, dont 3 545 morts, l'an dernier.
Pour tenter de mettre fin au conflit, le gouvernement afghan tente de relancer les pourparlers de paix amorcés à l’été dernier, en suspens depuis l’annonce de la mort du mollah Omar. Afghans, Pakistanais, Chinois et Américains cherchent à ramener les insurgés à la table des négociations depuis janvier, en vain. Ces derniers posent notamment le départ des troupes étrangères comme pré-condition à toute reprise du dialogue.