Encore raté. Pour la 38e fois consécutive depuis deux ans, le Parlement libanais n'est pas parvenu lundi à élire un nouveau président de la République. Des députés continuent de boycotter l'élection, faute d'accord entre les factions politiques. Un scénario qui se répète depuis la fin du mandat du président Michel Sleimane, le 25 mai 2014. Une 39e séance parlementaire est prévue le 10 mai.
Pourquoi ce blocage ?
C'est le fruit d'un désaccord historique entre les deux coalitions au pouvoir : l'alliance du 14 Mars, hostile au régime syrien, et le bloc du 8 Mars, mené par le mouvement chiite Hezbollah, qui soutient le régime de Bachar al-Assad. Eternel absent des séances parlementaires, le Hezbollah préfère que la situation reste inchangée. «Le Hezbollah a 10 000 combattants en Syrie, il ne veut pas d'un président qui remette en cause cette présence», explique Ziad Majed, politologue libanais. Autre facteur : les fortes tensions régionales. Selon Mounir Corm, auteur de Pour une IIIe République libanaise, «ce blocage est aussi la résultante du conflit entre l'Arabie Saoudite et l'Iran». Riyad soutient le 14 Mars, tandis que le 8 Mars est appuyé par Téhéran. Une situation aggravée par la rupture, le 3 janvier, des relations diplomatiques entre les deux pays.
Mais cette absence de président cache une crise institutionnelle plus profonde. Alors que son mandat aurait dû se terminer en 2013, le Parlement a décidé d’autoprolonger son mandat jusqu’au 20 juin 2017, invoquant la crise syrienne. Une autoprorogation à valider par la Cour constitutionnelle. Le pays était déjà resté, en 1988, 408 jours sans président et 124 jours en 2007-2008.
Quelles sont les conséquences sur le pays ?
En cas de vacance présidentielle, la Constitution stipule que «les pouvoirs du président de la République sont exercés à titre intérimaire par le Conseil des ministres». Mais les spécialistes sont unanimes : le pays ne fonctionne pas. «La crise des ordures est un exemple fascinant de cet abandon du politique dans la gestion des affaires courantes», explique Daniel Meier, ingénieur de recherche au CNRS-laboratoire Pacte à Grenoble. Des milliers de Libanais avaient alors défilé à Beyrouth pour dénoncer l'inefficacité du gouvernement. Cette succession de crises a engendré un profond désamour des citoyens envers les institutions.
Quelles solutions pour sortir de la crise ?
Selon la Constitution, le Président doit être issu de la communauté chrétienne maronite, divisée entre les partis du 8 et du 14 Mars. Plusieurs candidats se sont déclarés, parmi lesquels Michel Aoun et Sleiman Frangié, issus de la coalition du 8 Mars. Pourtant, si les deux ont reçu le soutien de certaines figures du 14 Mars, aucun ne fait réellement consensus. Une réforme de la loi électorale pourrait néanmoins changer la donne. Mais elle n’est pas souhaitée par la plupart des élites politiques, en place depuis longtemps. La solution pourrait venir de nouvelles législatives.