Dans un email destiné à mobiliser ses partisans, Bernie Sanders leur expliquait le week-end dernier qu'une victoire dans l'Etat de New York serait «le rebondissement le plus étonnant de l'histoire politique moderne». La surprise n'a pas eu lieu. Pire, pour le sénateur du Vermont : Hillary Clinton remporte une victoire écrasante, avec plus de 15 points d'avance. Les derniers sondages prédisaient environ 12 points d'écart entre les deux candidats.
Les 247 délégués démocrates de New York (sans compter les 44 super-délégués) étant attribués de manière proportionelle, cette victoire n’est pas décisive sur le plan mathématique, même si elle permet à Hillary Clinton de creuser un peu plus l’écart sur son rival.
Politiquement, en revanche, ce succès est essentiel et riche en enseignements pour la suite de la campagne démocrate. Dans l’Etat dont elle fut sénatrice de 2001 à 2009, Hillary Clinton remporte son premier scrutin depuis l’Arizona, il y a près d’un mois. Elle met fin, avec la manière, à la très bonne dynamique de Bernie Sanders, vainqueur de sept des huit dernières consultations.
Ces derniers jours, le sénateur du Vermont avait tenté d’entretenir l’espoir, réunissant à plusieurs reprises plus de 20 000 partisans passionnés lors de meetings en plein air, notamment dans son quartier natal de Brooklyn. Au final, il subit une très lourde défaite qui confirme ses difficultés récurrentes à élargir sa base électorale.
Hillary Clinton, toujours prisée des minorités
Selon les sondages de sortie des urnes, Hillary Clinton remporte ainsi 75% du vote africain-américain et 63% du vote hispanique. Elle l’emporte dans toutes les catégories de revenus, chez les diplômés et non-diplômés universitaires. Un segment de l’électorat continue en revanche de lui échapper : les 18-29 ans, qui ont voté à 67% pour Bernie Sanders.
Au QG d'Hillary Clinton, nombre de ses partisans, comme Jeff, estimaient mardi soir qu'il était temps pour le sénateur du Vermont de jeter l'éponge : «J'espère qu'il va faire le bon choix, mettre fin à sa campagne et appeler ses supporters à se rallier à Hillary Clinton. Ce serait la bonne décision à prendre». A priori, Bernie Sanders – qui dispose d'un réel soutien populaire et de l'argent nécessaire pour poursuivre sa campagne – n'a pas du tout l'intention d'abandonner.
Dans son discours de victoire, mardi, l'ancienne secrétaire d'Etat a toutefois lancé à un appel à l'unité du camp démocrate, rappelant que l'adversaire principal était le parti républicain : «A tous ceux qui ont soutenu Bernie Sanders, je crois qu'il y a bien plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent. Il devient de plus en plus évident que cette campagne pourrait être l'une des plus importantes de notre vie. Donald Trump et Ted Cruz défendent une vision de l'Amérique qui est source de divisions, et franchement dangereuse».
Côté républicain, le grand vainqueur de la soirée se nomme Donald Trump. Dans son Etat natal, là où il a bâti une partie de son empire immobilier et là où il réside, le milliardaire a triomphé de ses deux adversaires, le gouverneur de l’Ohio John Kasich et le sénateur du Texas Ted Cruz. Il remporte plus de 60% des suffrages. Surtout, il dépasse la barre des 50% dans l’immense majorité des 27 districts électoraux, un cap qui permet au vainqueur de rafler la totalité des délégués. Sur les 95 délégués en jeu dans l’Etat de New York, Donald Trump est assuré d’en remporter au moins 89.
Victoire écrasante de Trump côté républicain
«Je dois dire aux gens qui me connaissent le mieux, les gens de New York, quand ils nous donnent ce genre de vote, c'est tout simplement incroyable», a déclaré le magnat de l'immobilier depuis sa Trump Tower, à Manhattan. Avec cette victoire écrasante, Donald Trump efface sa défaite humiliante face à Ted Cruz, le 5 avril dans le Wisconsin. Il lance en outre de manière idéale le sprint final vers le nombre magique de 1237 délégués, la majorité absolue qu'il espère obtenir d'ici la fin des primaires. S'il y parvient, il sera assuré d'obtenir l'investiture lors de la convention républicaine, en juillet à Cleveland. Dans le cas contraire se tiendra une convention « contestée », un scénario sur lequel misent les opposants de Donald Trump, à commencer par Ted Cruz.
Dans l’Etat de New York, dont il avait critiqué les «valeurs» en début d’année, l’ultraconservateur sénateur du Texas a comme prévu subi une lourde défaite, remportant moins de 15% des voix et aucun délégué. Pour lui, l’essentiel est toutefois ailleurs : dans la sélection des délégués, un processus complexe et souvent indépendant des primaires. Grâce à une minutieuse organisation de terrain, la campagne de Ted Cruz a multiplié les succès ces dernières semaines, s’assurant une majorité de délégués dans plusieurs Etats, y compris certains où Donald Trump a pourtant remporté la majorité des voix lors des primaires.
En cas de convention contestée, les délégués contraints de voter pour Donald Trump au premier tour – afin de respecter le vote populaire de leur Etat d'origine – seront pour la plupart libres de leur choix à partir du second tour. Ted Cruz parie sur ce scénario, ce que le milliardaire new-yorkais a vivement dénoncé mardi soir : «Le sénateur Cruz est quasiment éliminé mathématiquement. Nous avons gagné des millions de voix et près de 300 délégués de plus que lui. Personne ne peut voler une élection, comme le parti républicain essaie de le faire».
Après New York, cinq Etats du nord-est des Etats-Unis voteront mardi prochain : Pennsylvanie, Maryland, Connecticut, Delaware et Rhode Island. Dans la quasi-totalité d’entre eux, Hillary Clinton et Donald Trump sont donnés largement vainqueurs.