Depuis une semaine la France se rappelle douloureusement que le conflit est loin d’être éteint au Sahel. D’abord avec la mort de trois militaires de la force Barkhane, le 12 avril, dans une explosion au passage de leur véhicule dans le nord du Mali, près de Tessalit. François Hollande leur a rendu un hommage solennel mercredi aux Invalides. L’attentat a été revendiqué par les jihadistes d’Ansar ed-Dine.
Puis avec la manifestation antifrançaise à l'aéroport de Kidal, lundi, lors de laquelle deux jeunes ont été tués par balles au cours d'affrontements avec les hommes de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma). Vers 10 heures, une centaine d'habitants ont pénétré sur la piste pour dénoncer des «arrestations jugées arbitraires et abusives d'individus dans la région». Depuis, Barkhane a procédé à de nouvelles arrestations. Celles-ci sont fréquentes lorsque des renseignements sont obtenus sur des caches ou des ateliers de fabrication d'engins explosifs. «Tout individu armé qui se trouve à proximité de ces sites est appréhendé, précise le porte-parole de l'état-major des armées, le colonel Gilles Jaron. Après une phase de renseignement militaire, si on pense qu'il peut appartenir à un groupe terroriste, on le transfère aux autorités maliennes.» Ces arrestations ont-elles visé les mauvaises personnes ? Ou ont-elles trop dérangé l'activité des trafics transfrontaliers, qui font vivre une partie des Touaregs de la région ? Gilles Jaron émet des doutes sur la «spontanéité» du rassemblement de lundi, où se trouvaient beaucoup de femmes et d'enfants. Mais selon un journaliste malien présent sur place, la manifestation était pacifique, avant de basculer quand les Casques bleus ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Selon la Minusma, certains manifestants étaient «munis de cocktails Molotov» et ont «mis le feu aux installations» de l'aéroport.
Une vidéo qu'a fait notamment circuler la Coordination des mouvements de l'Azawad, composée d'ex-rebelles touaregs signataires de l'accord de paix, montre des affrontements entre de jeunes Maliens et les blindés de la Minusma. On y entend des coups de feu. Deux manifestants y apparaissent couverts de sang, à terre. L'un a reçu une balle dans la tête. Une commission d'enquête onusienne a été mise en place pour «identifier l'origine des tirs». La Minusma «entend prendre sa part de responsabilité le cas échéant». La piste d'atterrissage de Kidal est un enjeu stratégique du conflit : elle symbolise pour les Touaregs l'arrivée des forces étrangères au Nord-Mali. Trois ans après le début des opérations françaises pour y chasser les jihadistes, c'est à nouveau sur cette langue de terre que la guerre a été ravivée, le temps d'une matinée.