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Libération

La Turquie, un terminus aux contours troubles

Depuis l’accord entre Ankara et l’UE, les migrants arrivés en Grèce sont renvoyés de l’autre côté de la frontière, où ils sont retenus dans des conditions floues.
A Lesbos, le 8 avril, des réfugiés sont escortés sur un ferry à destination de la Turquie. (Photo Etienne de Malglaive)
publié le 20 avril 2016 à 20h21

Les images avaient fait le tour des chaînes de télévision : les 4 et 8 avril, plusieurs bateaux en provenance des îles grecques de Lesbos et de Chios faisaient leur entrée dans le port turc de Dikili avec à leur bord 325 migrants clandestins. Ankara respectait ainsi l’engagement pris avec l’Union européenne de récupérer sur son territoire les personnes entrées illégalement en Grèce après le 20 mars.

Ces migrants «économiques» étaient pour la grande majorité originaires du Pakistan, du Bangladesh et d’Afghanistan. Aucun n’avait déposé de demande d’asile auprès des autorités grecques. A peine arrivés sur le sol turc et après un rapide examen de santé, ils ont été envoyés en bus dans la région de Kirklareli, près de la frontière avec la Bulgarie. Et depuis, plus rien.

Rétention. «On ne sait rien de leur sort. A dire vrai, on n'est même pas sûr à 100 % de l'endroit exact où ils sont retenus», explique, un peu désarmé, Andrew Gardner, chercheur pour Amnesty International en Turquie. Selon certains médias locaux, les migrants pourraient avoir été placés dans le camp de rétention de Pehlivanköy, à une quarantaine de kilomètres de Kirklareli. Une structure flambant neuve, ouverte le 1er avril, pouvant accueillir jusqu'à 750 personnes. D'ailleurs, le jour de son inauguration, le gouverneur de la province, Esengül Civelek, n'avait pas tari d'éloges à son sujet, vantant les «équipements» disponibles sur place : réfectoire, salle de télé, terrains de jeux, coiffeurs, etc.

Mais, là aussi, impossible de le vérifier, même pour les ONG.

«Comme les journalistes, nous n'avons pas accès aux camps. Nous ne savons pas ce qu'il s'y passe», explique le chercheur d'Amesty International. L'avenir des migrants renvoyés de Grèce est tout aussi trouble. «Ce n'est pas clair s'ils seront renvoyés ou non dans leur pays d'origine. Ils doivent pouvoir faire une demande d'asile mais il semble qu'ils n'aient même pas accès au téléphone.»

Disséminés. Pour l'heure, aucune demande n'a été transmise aux services du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR), qui n'a pas encore été autorisé à se rendre sur place. «Nous n'avons pas encore pu rencontrer les migrants, mais nous sommes en négociation avec les autorités turques pour avoir accès à ce groupe de personnes», confirme un membre de l'organisation.

Si le gouvernement turc, lui, ne s’étend guère sur la situation de ces migrants illégaux, plusieurs annonces ont été faites par l’exécutif concernant le sort des réfugiés syriens prochainement expulsés du territoire grec vers la Turquie, conformément à l’accord du 18 mars. Ils seront d’abord envoyés dans un camp temporaire - fermé - à Osmaniye, près de la frontière syrienne, a précisé le ministre turc chargé des Affaires européennes, Volkan Bozkir. Après enregistrement, ils seront ensuite disséminés dans d’autres structures dans le sud du pays. Ils rejoindront ainsi l’un des 26 camps de l’Agence turque de gestion des catastrophes naturelles et des situations d’urgence (Afad), où vivent environ 12 % des 2,8 millions de Syriens présents en Turquie et où ils auront accès à de la nourriture, des soins et à un système éducatif. De quoi redorer un temps l’image d’hôte d’Ankara, récemment accusé par des ONG internationales d’avoir expulsé des réfugiés syriens dans leur pays, malgré la guerre.