Un peu plus de 35 800 euros. C'est la somme que l'Etat norvégien va devoir verser à Anders Behring Breivik afin de couvrir ses frais d'avocat, au titre des dommages et intérêts. L'auteur de la tuerie du 22 juillet 2011, qui a fait 8 victimes à Oslo et 69 sur l'île d'Utoya, a en partie obtenu gain de cause dans la bataille juridique qui l'opposait à la Norvège, qu'il accusait de «traitements inhumains».
Jugement «courageux» pour les uns, «grave» pour les autres, il est en tout cas déjà extrêmement controversé et «devrait être difficile à digérer en Norvège et à l'étranger», constate l'éditorialiste du quotidien Aftenposten Harald Stanghelle, qui observe que la juge Helen Andenaes Sekulic n'a pas tenu compte du statut exceptionnel du plaignant. L'enjeu était particulièrement important pour la Norvège, qui avait été saluée à l'étranger pour la dignité avec laquelle elle avait conduit le procès du tueur en 2012. Dans un jugement de 37 pages, la magistrate constate que «l'interdiction des traitements inhumains et dégradants représente une valeur fondamentale dans une société démocratique» et que ce principe «s'applique dans n'importe quelle circonstance - y compris dans le traitement des terroristes et des meurtriers». Breivik a beau être «une personne dangereuse, qui va probablement passer le reste de sa vie en prison», la juge estime qu'un «seuil de gravité a été dépassé» dans le régime d'incarcération qui lui est réservé.
Elle met en cause notamment les longues périodes d'isolement, qui ont pu avoir des effets sur la santé mentale du détenu et constituent une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Condamné à la peine maximale de vingt et un ans de prison en juin 2012, Breivik, qui revendique depuis 2014 son «allégeance au national-socialisme», est incarcéré à la prison de haute sécurité de Skien, à une centaine de kilomètres d'Oslo. Pendant le procès, qui s'est tenu mi-mars dans le gymnase de l'établissement pénitentiaire, son avocat, Oystein Storrvik, avait fait valoir que le terroriste passait entre vingt-deux et vingt-trois heures par jour à l'isolement, était soumis à des fouilles corporelles jusqu'à quatre fois par jour et avait été menotté plus de 3 000 fois depuis son arrestation. Le taxant de «poseur narcissique», la défense avait rétorqué qu'il disposait, pour son confort, de trois cellules, d'une télévision, d'un ordinateur (non connecté à Internet) et même d'une console de jeux.
Anders Behring Breivik dénonçait aussi la «violation de sa vie privée et familiale», se plaignant de voir ses communications vers l'extérieur limitées. Sur ce point, sa plainte a été déboutée, le tribunal arguant qu'il disposait d'«une forme de statut héroïque dans certains milieux d'extrême droite» et que les restrictions étaient justifiées. Les associations de proches des victimes avaient encouragé les Norvégiens à ne pas suivre le procès, pour priver Breivik de l'attention qu'il recherchait.