Et si les «grands» de ce monde relisaient Mémoires d'une jeune fille rangée, de Simone de Beauvoir ? «Vous êtes une schizophrène me disait souvent Sartre, écrivait-elle alors. Au lieu d'adapter mes projets à la réalité, je les poursuivais envers et contre tout, tenant le réel pour un simple accessoire.» La schizophrénie des gouvernements sur le climat emprunte à la même logique : ripoliner (en vert) le business as usual en oubliant la réalité de la lutte contre le changement climatique. Faire du réel non pas l'accessoire, mais le principal : c'est tout le défi qui (sur)plombe la signature par plus de 170 pays, vendredi au siège de l'ONU, de l'accord de Paris sur le climat. Car la réalité du réchauffement, déstabilisante, dévastatrice, est là. La nécessité d'aller au plus vite vers un autre mode de développement, un altermonde décarboné aussi. Se démettre de verbes qui, sans traduction concrète, discréditent la parole politique. «Il faut que les déclarations deviennent des actes», a martelé François Hollande, vendredi. Immense tâche. Mais c'est déjà plus lucide que de s'emballer, le 12 décembre : «A Paris, il y a eu bien des révolutions depuis des siècles, mais aujourd'hui, c'est la plus belle et la plus pacifique des révolutions qui vient d'être accomplie : la révolution sur le changement climatique.» A Paris, il y a juste eu le début de quelque chose : une promesse globale. L'état d'urgence climatique - les tas d'urgences, même - n'est plus compatible avec la schizophrénie politique. Ou temporelle. Les global leaders, économiques ou politiques, ne peuvent plus regarder le monde à travers un tableau de bord de deux ans environ. C'est ainsi qu'un Barack Obama a attendu la moitié de son second mandat pour être un peu climatocompatible. Ou qu'un François Hollande a admis une mue écologique sur le tard. Le climat oblige à changer de focale. Et de logiciel. Penser - et agir - en se projetant dans une ou deux générations.
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