Le 13e cycle de négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP, également connu sous le nom de Tafta) doit s'ouvrir lundi 25 avril à New York. Ce projet d'accord commercial, à la philosophie très libérale entre l'Union européenne et les Etats-Unis, est loin de faire l'unanimité. Une pétition a recueilli plus 3,4 millions de signatures. Ce samedi, des dizaines de milliers de personnes ont défilé contre le projet à Hannovre, en Allemagne.
La première rencontre européenne des opposants au Traité a eu lieu à Barcelone jeudi et vendredi. Entretien avec Amélie Canonne, animatrice du Collectif Stop Tafta en France.
Quel était l’objectif de cette première rencontre européenne des opposants au Tafta ?
Au Collectif Stop Tafta France, on pensait depuis quelque temps à s'organiser à l'échelle européenne. On s'est dit que ce serait plus légitime si une municipalité nous invitait. La victoire d'Ana Colau à la mairie de Barcelone et la collaboration avec le collectif Stop Tafta espagnol ont permis cette rencontre.
Il y avait une nécessité d'exprimer l'opposition des élus. Notamment à l'approche de la ratification du CETA (l'accord économique et commercial global entre l'UE et le Canada scellé en septembre 2014). Nous souhaitons rassembler des élus qui iront à Bruxelles lors du sommet UE-Canada prévu fin 2016. Nous allons continuer, la ville de Grenoble s'est proposée pour accueillir la deuxième rencontre d'ici début 2017.
A Barcelone, nous avons lancé une dynamique de travail pour réfléchir au rôle des élus dans la mobilisation et pour une concertation avec la société civile, pour qu'on travaille tous ensemble sur la contestation. Nous avons rédigé une déclaration commune #BCNnoTTIP.
Que pensez-vous de la position de la France dans les négociations ?
Matthias Fekl, le secrétaire d'Etat français au Commerce extérieur, essaye de convaincre que la France est leader dans la critique du TTIP. Mais la France défend le CETA bec et ongles, alors qu'il y a les mêmes propositions que dans le TTIP. C'est de l'imposture.
François Hollande assure que s’il n’y a pas «transparence» et «réciprocité», il n’acceptera pas l’accord. Qu’en pensez-vous ?
Ça fait deux ans que la France assure qu’elle peut quitter les négociations. Mais toutes les informations que l’on a disent le contraire. Les points mentionnés sont de mauvaises raisons de sortie des négociations. Le gouvernement veut un accord ambitieux pour les multinationales françaises, c’est ce qu’il défend. Nous, on veut qu’il prenne la défense des citoyens.
Que pensez-vous du compte rendu public du 12e cycle de négociations qui a eu lieu en février ?
Il n'y a pas de transparence. Il n'y a rien dans ces 17 pages. Le rapport dit juste «on négocie, il y a des textes, on en parle». Les vrais sujets, c'est l'accès au marché. Et ils ne sont pas d'accord. Sur le dossier agricole, l'UE veut un accès accru sur le marché américain. En face, les Etats-Unis déplorent l'absence de flexibilité de Bruxelles sur un certain nombre de produits. Ils discutent mais ça n'avance pas. Et l'énergie, on n'en parle pas.
Pour la coopération réglementaire (1), l’UE a fait une nouvelle proposition, qui ne comporte plus l’organe (décrié) de coopération réglementaire. Mais elle serre davantage la vis. Les régulateurs devront soumettre le projet réglementaire à l’autre partie pour avoir son avis. La nouvelle proposition est plus exigeante et on a appris que les agences de régulation américaines ne sont pas d’accord car c’est au-delà de leur mandat démocratique.
Avez-vous discuté à Barcelone de propositions alternatives ?
Le travail de notre réseau, c’est de réfléchir à un mode de gestion alternatif, municipal par exemple. Comment résister à une multinationale, comment reprendre le contrôle de la distribution de l’eau. Il existe des alternatives pour se réapproprier les territoires, et aller vers des formes positives de développement local qui, elles, créeront de l’emploi.
(1) L'accès au marché est une des trois parties du mandat des négociations. La deuxième étant la coopération réglementaire, pour réduire les formalités administratives et les coûts. Et la troisième l'établissement de nouvelles règles destinées à faciliter les exportations, les importations, les investissements et à les rendre plus équitables.