Elle sort de la voiture sous le crépitement des flashs, accompagnée par son avocat, on lui tend un bouquet de tournesols : Dima Al Wawi revient en Cisjordanie après deux mois et demi d’incarcération en Israël. Depuis ce dimanche matin, la plupart des journaux s’ouvrent sur cette nouvelle : la plus jeune prisonnière palestinienne est libérée. Arrêtée début février à proximité d’une colonie avec un couteau, la collégienne de 12 ans était accusée d’avoir voulu poignarder un Israélien. L’affaire avait ému les ONG de droits de l’homme : selon la loi israélienne, les enfants de moins de 14 ans ne peuvent pas être emprisonnés. Mais les Palestiniens de Cisjordanie dépendent de la loi militaire, qui ne fixe pas de limite d’âge pour être emprisonné.
La jeune fille a bénéficié d'une remise de peine après avoir avoué vouloir commettre une attaque, bien que son avocat ait ensuite émis des doutes sur les conditions dans lesquelles sa déposition a été enregistrée. Elle était devenue l'image des nombreux mineurs palestiniens emprisonnés au cours des six derniers mois, marqués par un regain de tension entre Palestiniens et Israéliens. Fin mars, Addameer, l'association de soutien des prisonniers recensait plus de 420 mineurs détenus en Israël – un chiffre record depuis la dernière intifada. «Ce qui nous inquiète, c'est moins le nombre que les pratiques dans leur ensemble : au commissariat les mineurs sont la plupart du temps interrogés sans leurs parents, sans avocat. Ils sont ensuite incarcérés dans des prisons pour adultes, puis jugés par des tribunaux militaires…», explique Iyad Misk, responsable juridique de la Commission des prisonniers et des anciens prisonniers, une structure publique qui assiste de nombreuses familles.
Incertitudes
«L'arsenal législatif a changé en Israël, et nous n'avons pas l'impression que ça aille vers ce que préconise le droit international», ajoute-t-il. Fin novembre, les députés de la Knesset ont en effet approuvé la premiere version d'un texte abaissant l'âge de l'incarcération à 12 ans pour les infractions «terroristes», par 64 voix contre 22. La détention administrative, un régime permettant d'incarcérer un individu sans charge retenue contre lui et qu'Israël n'utilisait plus pour les mineurs depuis décembre 2011, a été remise en place pour eux en octobre.
75% des jeunes Palestiniens incarcérés entre 2012 et 2015 affirment avoir subi des violences physiques lors de leur arrestation selon un rapport de Defense for Children International. Selon ce même rapport, 97% des mineurs ont été interrogés sans leur parent. Dima a pu voir sa mère deux fois grâce à l'insistance du Comité international de la Croix rouge, tandis que son père n´a jamais pu obtenir de permis. Dans la grande maison familiale d'Halhul, une ville proche d'Hébron, ses 8 frères et sœurs sont aussi nerveux qu'euphoriques. «Depuis qu'elle est en prison, je me demande toutes les nuits si elle dort, si elle a peur… c'est terrible de ne pas pouvoir protéger les siens», raconte Mohammad, l'un de ses frères aînés. Le jeune homme de 27 ans, endimanché, ajoute : «Quand Dima regarde la télé, elle prend tout personnellement, elle est très émotive, alors l'imaginer en prison…'
Dima est restée mutique, sourcils froncés, et bras croisés en arrivant en Cisjordanie. Aux premiers journalistes venus l'interroger, elle a tout juste répondu qu'elle n'avait pas eu peur. Elle s'est serrée contre sa mère, sans même entendre les slogans : «Toute la Palestine est derrière toi.» L'association pour les droits civils en Israël a publié en février un rapport sur l'incarcération des mineurs. Les coauteurs de l'enquête, deux avocats, démontrent que plus un individu entre jeune en prison, plus ses chances de récidiver sont importantes. Et concluent : «Il est incertain que cette politique sévère atteigne son objectif de dissuasion.»