Le projet de construction de la centrale nucléaire d'Astravets, dans le nord-ouest de la Biélorussie, avance à grands pas. L'enceinte qui abritera le réacteur a été posée. Désormais, tout devrait aller très vite. Le russe Rosatom, en charge de la construction, prévoit de lancer le premier réacteur en 2018 et le deuxième deux ans plus tard. Mais ce projet flambant neuf, doté de réacteurs d'une puissance de 1,2 gigawatt, a tout du monstre atomique pour Vilnius, la capitale lituanienne, située à tout juste 50 kilomètres de la centrale. «Les réacteurs russes de type AES-2006 n'ont jamais été testés par des experts internationaux indépendants et leurs paramètres de sécurité ne sont pas connus», relève Linas Vainius, un activiste vert lituanien, à la tête de la lutte contre la centrale biélorusse.
Rivière Néris. En cas d'accident nucléaire, Vilnius et ses 543 000 habitants, mais aussi Daugavpils, la deuxième ville de Lettonie, se retrouveraient dans une zone sanitaire à haut risque et devraient être tout simplement évacuées. Dans une résolution adoptée le 23 mars, le conseil municipal de Vilnius s'inquiète aussi d'une possible pollution radioactive de la rivière Néris, qui traverse la capitale et dont les eaux en amont serviront au refroidissement des turbines.
«Mais pour les Biélorusses, les problèmes s'arrêtent à la frontière», relève Rokas Masiulis, ministre lituanien de l'Energie. Depuis 2008, date du lancement du projet nucléaire, en pleine guerre du gaz entre Minsk et Moscou, la Biélorussie ne répond pas aux interrogations de la Lituanie sur la sécurité nucléaire du projet et les risques pour l'environnement. L'évaluation d'impact qui doit se faire au début du projet n'a toujours pas été réalisée. La rencontre prévue avec le public lituanien en 2010 a été annulée par le côté biélorusse. La qualité de construction est aussi une source d'inquiétude. «Pourquoi la centrale d'Astravets ne prévoit pas de protection antiaérienne à l'instar d'une centrale construite par Rosatom en Finlande ?» s'interroge Rokas Masiulis.
Enclave. Après avoir déposé en 2011 une plainte devant le comité Espoo de l'Unece, une émanation de l'ONU qui traite des questions d'environnement dans un contexte transfrontalier, ce dernier vient de décider la création d'une commission d'experts internationaux pour résoudre le problème. Entre-temps, la question est évoquée lors de toutes les rencontres internationales diplomatiques et à Minsk même. En janvier à Davos, lors du Forum économique mondial, la présidente lituanienne s'est de nouveau fait la porte-parole des inquiétudes de son pays.
Pour faire pression sur la Biélorussie, la Lituanie a choisi l’argument économique : ne pas acheter l’électricité produite par la centrale. Mais il s’agit là d’un véritable défi technique puisque les pays baltes se trouvent dans le même système électrique que la Russie et la Biélorussie, et que l’électricité à destination de l’enclave russe de Kaliningrad transite par la Lituanie. Néanmoins, des universitaires lituaniens ont présenté plusieurs manières de mettre en œuvre cette interdiction. La plus simple, commerciale, est de ne pas autoriser l’électricité biélorusse à être vendue sur NordPool, la Bourse lituanienne de l’électricité. Les autres conduiraient à synchroniser le système balte avec le système électrique européen, ce que Vilnius espère à l’horizon 2025. En attendant, Vilnius a le soutien de Riga (Lettonie) et Tallinn (Estonie).