Le procès du lanceur d'alerte Antoine Deltour - mais aussi du journaliste Edouard Perrin - s'est ouvert mardi matin à Luxembourg. Dans la salle, le président du tribunal, Marc Thill, fait régner l'ordre, réfutant les questions sortant du cadre prédéfini par la loi locale (vol et violation du secret des affaires). Recadrant les avocats qui tenteraient d'élargir le débat sur la transparence financière. D'emblée, un débat étymologique. Le cabinet PriceWaterhouseCooper (PWC), membre du «Big Four» de l'audit, se plaint d'un «vol de documents» : la révélation, via l'émission Cash Investigation, puis à travers le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), des petits et grands arrangements fiscaux des multinationales implantées au Luxembourg, aux bons soins de PWC. Simple «soustraction» à ce stade du procès, corrige le président Thill, soucieux de ne pas paraître préjuger. Un bon point pour lui, sauf qu'il ne souhaite guère entrer dans quelques salades annexes, comme le résume cet échange entre l'avocat de Deltour, William Bourdon, la représentante de la présumée victime (PWC), Anita Bouvy, et Marc Thill.
- Me Bourdon : «Votre documentation, réputée protégée, était d'accès facile ?
- La représentante de PWC : Oui, l'accès était facile […], mais il fallait une volonté d'y accéder.
- Me Bourdon : Du fait des révélations, vous avez renforcé l'inaccessibilité des données ?
- Le président : La firme a-t-elle mis depuis en place un système plus serré, plus sérieux ?
- PWC : Oui.»
On eut également droit à ce dialogue de sourds entre la représentante de PWC et Me Bourdon :
- La représentante de PWC : «Tout employé remarquant une anomalie peut en référer à un "ethic officer."
- Me Bourdon : Les accords fiscaux visés par PWC sont-ils constitutifs d'une infraction ou d'une anomalie ?
- PWC : Ils sont tout à fait légaux, au Luxembourg comme dans d'autres pays.
- Me Bourdon : Mais peuvent soulever quelques états d'âme chez vos salariés.
- PWC : Ce n’est pas le but de notre procédure interne.»
Du fiscalement indigne dissimulé sous le politiquement correct.