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Burundi : un an de répression et toujours pas d’issue

publié le 26 avril 2016 à 20h41

On l’appelait Nepo, diminutif de Jean-Népomuscène, et son visage s’affichait mardi sur Twitter à côté du hashtag #Komezamahoro, son nom de famille. Il avait 17 ans. L’image vient rappeler le souvenir de la première victime des manifestations contre le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Ce 26 avril, il y a un an, ils étaient nombreux à être descendus dans les rues de la capitale burundaise pour protester contre la décision de l’homme fort du pays de se maintenir au pouvoir, en transgressant la règle constitutionnelle limitant la présidence à deux mandats. Contre l’avis de sa mère, Nepo voulait, lui aussi, voir ce qui se passait dans la rue. D’après ses parents, quand les tirs ont débuté et que la foule a commencé à fuir, Nepo a levé les mains en toute innocence pour signifier qu’il n’avait rien à voir avec tout ça. C’est alors qu’un officier de police se serait approché de lui pour lui tirer deux balles dans la tête. A bout portant.

Depuis un an, les activistes burundais n'ont eu de cesse de diffuser, via les réseaux sociaux, les photos de ceux qui ont été arrêtés, ont disparu, ou ont été tués. Sans jamais réussir à arrêter le carnage. Car malgré l'ampleur de la contestation, vite réprimée dans le sang, Nkurunziza s'est représenté en juillet lors d'une élection boycottée par l'opposition et a remporté le scrutin. Et l'escalade des violences s'est poursuivie, alimentée par un discours de haine à consonance ethnique dans les médias officiels, où l'on n'hésite pas à fustiger ceux qui voudraient reprendre le pouvoir «du peuple majoritaire», terme «emprunté au vocabulaire des génocidaires rwandais» rappelait, il y a quelques jours, l'intellectuel burundais David Gakunzi, installé à Paris. Un nouveau génocide se déroule-t-il une vingtaine d'années plus tard, dans le pays voisin, composé lui aussi d'une majorité hutue et d'une minorité tutsie ? Nombreux sont ceux au sein de l'opposition en exil (aussi bien hutue que tutsie) qui considèrent que le pouvoir, lui-même issu d'une rébellion hutue, tente de réveiller les démons ethniques pour justifier les tueries.

Lundi, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les crimes commis depuis un an au Burundi. Une façon de confirmer la dégradation de la situation, alors que disparitions et assassinats ciblés se multiplient dans un huis clos inquiétant. Un an après le début des violences, l'assassin de «Nepo» n'a toujours pas été identifié. Son nom de famille (Komezamahoro) signifie, en kirundi, «consolider la paix». Un espoir encore lointain dans le Burundi de Pierre Nkurunziza.