Quatre mois après d’interminables négociations entre les principaux dirigeants pour tenter de former une majorité gouvernementale, le roi Philippe VI a jeté l’éponge. Alors qu’on entre dans la dernière ligne droite avant l’ultime délai, début mai, le chef de l’Etat a d’ores et déjà confirmé ce qui était pressenti depuis de longues semaines : les Espagnols seront de nouveau appelés aux urnes, le 26 juin ; ce qui veut dire que, au mieux, le pays disposera d’un exécutif en début d’automne. Un fait sans précédent car, depuis le retour de la démocratie en 1977, l’Espagne a connu à chaque scrutin des majorités claires, souvent absolues, qui permettaient de mettre en place sans difficultés des gouvernements stables.
Si le pays est entré dans une turbulente «ère à l'italienne», c'est pour deux raisons principales. Primo, l'irruption de deux formations engendrées par la crise économique et l'indignation sociale qui s'en est suivie : à la gauche de la gauche, Podemos («Nous Pouvons») est devenue la troisième force parlementaire avec 69 députés; et, de leur côté, les centristes de Ciudadanos («Citoyens») – qui partagent avec Podemos l'exigence d'une vie politique sans corruption – ont raflé 40 sièges. Secondo, le fait que chaque membre de cet inédit quatuor (les conservateurs du Parti populaire, les socialistes, Podemos et Ciudadanos) a fait preuve d'une totale intransigeance au cours des négociations. Résultat : aucun accord n'a pu être dégagé.
Schéma tripartite
Aujourd'hui, chaque leader – et chaque parti – a beau jeu de rejeter sur ses rivaux la responsabilité de cet échec patent. Les socialistes s'en prennent à l'«aile dure» de Podemos, ce dernier les accuse en retour de «faire le jeu de la droite et des marchés financiers», le Parti populaire, lui, est critiqué pour son immobilisme, etc. En réalité, seuls deux leaders se sont rapprochés et ont signé une sorte de «programme commun», le socialiste Pedro Sanchez et le centriste Albert Rivera. Mais, face à l'opposition des autres, la somme de leurs sièges ne permettait pas d'atteindre la fatidique barre des 168 sièges.
Il n’y a en réalité que deux options permettant de former un exécutif stable. La première correspondrait à une «solution à l’allemande», avec un schéma tripartite socialistes-Ciudadanos- conservateurs. Mais Pedro Sanchez ne veut rien savoir, persuadé qu’une alliance avec le chef du gouvernement sortant, Mariano Rajoy, signerait le chant du cygne de son parti et la consolidation de Podemos comme seule grande force d’opposition. La deuxième se traduirait par un «front de gauche», comme au Portugal depuis novembre 2015. Or, cette hypothèse s’est heurtée depuis février à un féroce corps-à-corps ente socialistes et Podemos : les premiers, forts de leurs 90 sièges, prétendaient au leadership d’un éventuel exécutif, quand les seconds entendaient le partager de façon équitable.
Rapport de force
Que peut-on attendre des élections du 26 juin ? «Rien de nouveau» pour 67 % des Espagnols, «lassés» et «déçus», selon un récent sondage de l'institut Metroscopia. Selon les experts, il faut s'attendre à des résultats similaires aux dernières élections. Le cas échéant, les quatre principaux leaders devront négocier de nouveau sur la base d'un rapport de force peu ou prou identique. Mais, cette fois-ci, avec l'obligation de former un gouvernement.