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Libération
Récit

Le Venezuela invente la semaine de douze heures

Pendant les prochains quinze jours au moins, les fonctionnaires ne travailleront que le lundi et le mardi de 7 à 13 heures. La mesure vise à économiser l'électricité.

L'employé d'une boucherie à Santa Teresa, dans l'Etat de Miranda, mardi, pendant une coupure de courant. (Photo Federico Parra. AFP)
Publié le 27/04/2016 à 17h18

En matière de réduction du temps de travail, la République bolivarienne du Venezuela a fait très fort : le vice-président Aristóbulo Istúriz a annoncé mardi l’instauration de la semaine de deux jours travaillés, le lundi et mardi. La mesure, à effet immédiat, est prise pour deux semaines prolongeables et ne concerne que le service public. Quant aux établissements scolaires, publics comme privés, ils fermeront le vendredi. Ces décisions radicales visent à économiser l’électricité dans un contexte de grave crise énergétique.

Barrage à sec

Comment un pays producteur de pétrole, assis sur les réserves de brut les plus importantes de la planète, peut-il manquer d’énergie ? C’est un paradoxe comme le Venezuela les collectionne. La centrale hydroélectrique d’El Guri, dans le sud du pays, satisfait à elle seule 70% de la consommation nationale. Mais en raison d’une sécheresse catastrophique, son barrage (le quatrième plus grand dans le monde) atteint un niveau d’eau historiquement bas : 160 cm en début de semaine. Sachant qu’il baisse de 10 cm par jour, on redoute que dans moins de deux semaines, il soit totalement à sec, et la centrale paralysée. A moins que la pluie ne se décide à tomber.

Les coupures de courant de plusieurs heures par jour ne suffisant pas, le gouvernement révolutionnaire a donc décidé de réduire l’activité du pays. Les dirigeants, dont le président Nicolás Maduro, incriminent El Niño, phénomène qui dérègle le climat en Amérique du Sud. Pour l’opposition, qui contrôle le Parlement, El Niño a bon dos : les autorités n’ont pas investi dans le réseau électrique et le plan lancé en 2010 par le précédent président, Hugo Chávez, pour diversifier les ressources énergétiques, a tourné au fiasco, en raison des détournements et des lourdeurs bureaucratiques.

Quatre millions de signatures

Ce quasi-état d’urgence intervient à un moment de grave tension politique. Après la victoire écrasante de l’opposition, réunie dans la MUD, une coalition allant de la droite à la gauche des déçus du chavisme, aux législatives de décembre, le gouvernement n’a cessé de rogner les pouvoirs du parlement à coups de décisions du Tribunal supérieur de Justice. Le seul levier envisageable pour la MUD est un référendum pour révoquer le président Maduro. Pour le convoquer, l’opposition doit réunir 4 millions de signatures, soit 20% des inscrits sur les listes électorales. La collecte commence cette semaine, mais de nombreux Vénézueliens risquent d’y réfléchir à deux fois avant de donner leur nom et leur empreinte digitale : en 2004, lors d’un précédent référendum engagé contre Hugo Chávez, la liste avait servi à chasser les signataires de la fonction publique.