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Primaires

Trump et Clinton creusent l’écart de finale

Lors du «Mini Tuesday», le milliardaire a raflé les cinq Etats qui votaient et s’affiche comme le vainqueur côté républicain. Chez les démocrates, l’ex-secrétaire d’Etat distance largement son rival Bernie Sanders.

Donald Trump à Wilkes-Barre (Pennsylvanie), ce lundi. (Photo Brendam McDermid. Reuters)
ParFrédéric Autran
Correspondant à New York
Publié le 27/04/2016 à 20h21

Ce mardi, les poursuivants ont vu s’éloigner les deux favoris dans la course à l’investiture pour la présidentielle américaine. Donald Trump, pour les républicains, et Hillary Clinton, pour les démocrates, ont quasiment atteint leur but. Chez les premiers, Ted Cruz et John Kasich tentent une alliance de la dernière chance. Bernie Sanders, lui, devrait aller jusqu’au bout par fidélité à ses jeunes électeurs. Focus sur les dernières inconnues des primaires.

Trump a-t-il tué le «game» ?

Le milliardaire a prouvé mardi sa capacité à rassembler une nette majorité d’électeurs républicains, bien au-delà de la classe moyenne blanche en colère qui a longtemps constitué sa base la plus fidèle. Jusqu’à présent, à l’exception notable de son Etat de New York, il avait peiné à franchir la barre des 50 %. Dans le Delaware et le Rhode Island, mardi, il a raflé plus de 60 % des suffrages, un triomphe dans une course où trois candidats restent en lice. Dans chacun des cinq Etats en jeu, il a largement distancé son premier poursuivant, le plus faible écart étant de 29 points dans le Connecticut.

Grâce à ces écarts considérables, le magnat de l'immobilier fait quasiment carton plein dans la chasse aux délégués, comme la semaine dernière à New York, où il avait raflé 90 des 95 délégués en jeu. Mardi, sur les 118 délégués attribués aux candidats (si l'on exclut 54 délégués indépendants élus en Pennsylvanie), Trump en a remporté 110. «Je vais gagner. En ce qui me concerne, c'est fini. Je me considère comme le candidat naturel», a lancé le milliardaire lors de son discours de victoire, appelant ses deux adversaires, Cruz et Kasich, à jeter l'éponge. «Ces deux-là ne peuvent pas gagner», a-t-il ajouté.

Cruz est-il vraiment condamné ?

Dans les cinq Etats de la côte Est américaine, terrain assez peu favorable pour son discours ultraconservateur, le sénateur du Texas, Ted Cruz, a été laminé. A l’exception de la Pennsylvanie, où il finit deuxième derrière Trump avec 21 % des voix, il termine dernier partout, avec un score parfois humiliant (10,6 % dans le Rhode Island, 11,7 % dans le Connecticut). Avec de tels résultats, difficile de s’affirmer comme un candidat plus légitime que Trump, d’autant que Cruz a été battu au sein de catégories censées lui être favorables (les ultraconservateurs, les chrétiens évangéliques). Le sénateur du Texas dispose d’une dernière chance : la primaire de l’Indiana, mardi, où les 57 délégués seront attribués au vainqueur de l’Etat et de chaque district local. Dans cet Etat du Midwest, son message très conservateur devrait résonner davantage que dans le nord-est du pays. Pour l’heure, Donald Trump est toutefois en tête des sondages avec six points d’avance sur Ted Cruz. Gonflé à bloc par ses très nettes victoires, le milliardaire a en outre reçu le soutien d’une légende locale, le coach de basket Bobby Knight, avec qui il va faire campagne cette semaine sur le terrain.

Le putsch anti-Trump peut-il réussir ?

Pour obtenir l'investiture républicaine, Donald Trump doit atteindre d'ici la fin des primaires, le 7 juin, la majorité absolue de 1 237 délégués. Mercredi soir, selon le décompte de l'agence AP, il en comptait 954, près de 400 de plus que son premier poursuivant, Ted Cruz. Des trois candidats encore en lice, le magnat de l'immobilier est le seul à pouvoir mathématiquement atteindre cette barre fatidique. L'en empêcher est l'unique objectif - et l'obsession - de ses deux rivaux. Dimanche, l'ultraconservateur Ted Cruz et le modéré gouverneur de l'Ohio, John Kasich, pourtant aux antipodes du spectre conservateur, ont ainsi annoncé une alliance surprenante et entièrement assumée. En vertu de cet accord de la dernière chance, Cruz ne fera pas campagne dans l'Oregon (17 mai) et le Nouveau-Mexique (7 juin) pour laisser le champ libre à Kasich. En échange, ce dernier s'effacera dans l'Indiana (3 mai) afin de doper les chances du sénateur du Texas. Objectif : éviter l'éparpillement des voix et priver Donald Trump de précieux délégués. Ce pacte de non-agression a aussitôt été qualifié de «désespéré» et «pathétique» par Trump, qui y voit une preuve supplémentaire que le processus des primaires républicaines est truqué et que le vote populaire est méprisé par ses rivaux.

Si le milliardaire n'atteint pas le nombre magique de 1 237 délégués lors du premier tour de la convention du Parti républicain, en juillet, cette dernière sera dite «contestée» ou «ouverte». Dans ce scénario, inédit depuis quarante ans, la majorité des délégués venus de tout le pays seront libres de leur choix à compter du deuxième tour. C'est le plan sur lequel mise Cruz, son unique chance de rafler l'investiture. Pour cela, il s'est lancé dans une course en coulisses, parallèle à celle des primaires. Grâce à une minutieuse organisation de campagne, il s'est imposé dans de nombreux Etats lors du processus de désignation des délégués. En clair : de nombreux délégués contraints de voter Trump au premier tour - afin de respecter le vote populaire dans leur Etat d'origine - sont en réalité des supporteurs de Cruz, pour qui ils voteront en cas de deuxième ou troisième tour. Dans son discours de victoire, mardi soir, Donald Trump a mis en garde contre la tentation de ses rivaux et du parti de lui «voler» la victoire acquise dans les urnes. «Les électeurs seront très en colère. Comment peut-on leur dire "Trump a 5 millions de voix d'avance, 500 ou 600 délégués de plus que Cruz, il a attiré des millions de gens au cours des primaires républicaines, et pourtant on va choisir Ted Cruz" ?»s'est interrogé Trump. Le mois dernier, il avait estimé que des émeutes pourraient éclater s'il était privé de l'investiture lors d'une convention contestée.

Clinton peut-elle échouer ?

Symboliquement, Hillary Clinton avait choisi mardi de tenir meeting à Philadelphie, où aura lieu la convention du Parti démocrate en juillet. «Nous reviendrons ici pour obtenir l'investiture», a-t-elle lancé, plus souriante et détendue que jamais. Sur les cinq Etats en jeu, elle en remporte quatre, dont la Pennsylvanie, gros lot de la journée et Etat clé pour l'élection générale de novembre. Dans le Delaware et le Maryland, Hillary Clinton s'impose avec plus de 20 points d'écart. Son rival, Bernie Sanders, l'emporte lui dans le Rhode Island, le moins peuplé et le plus blanc des cinq Etats au programme. Grâce à ce «Mini Tuesday» quasiment sans faute, Hillary Clinton creuse l'écart sur son adversaire dans la course aux délégués. Selon l'agence AP, elle compte plus de 330 délégués d'avance sur le sénateur du Vermont, sans tenir compte des 519 super-délégués (libre de leur choix jusqu'à la convention) qui lui ont, en outre, apporté leur soutien.

Délibérément tournée vers l'élection de novembre, l'ancienne First Lady a concentré ses attaques contre Donald Trump et le Parti républicain, et tendu la main à son rival démocrate. «Nous allons unifier notre parti pour remporter cette élection», a-t-elle promis sous les cris de ses partisans, avant d'ajouter, dans une rare allusion aux attaques de Bernie Sanders sur le financement de sa campagne et ses liens avec Wall Street : «J'applaudis le sénateur Sanders pour nous avoir mis au défi d'assainir le financement de la politique américaine.» Pour Clinton, l'objectif est clair : rassembler le camp démocrate et convaincre les partisans de Sanders de rallier sa candidature, toujours marquée par un niveau élevé de méfiance, en particulier chez les moins de 30 ans.

Quelle fin de campagne pour Bernie Sanders ?

Mathématiquement, le sénateur du Vermont peut toujours obtenir l'investiture. Mais objectivement, sauf coup de théâtre qui ferait voler en éclat la candidature de Hillary Clinton (mise en examen dans l'affaire de ses mails, problème de santé…), il n'a plus aucune chance. Les observateurs le répètent depuis des semaines : pour combler son important retard en termes de délégués, Sanders a besoin de remporter de très larges victoires dans des Etats très peuplés. Il n'y est pas parvenu jusqu'à présent et rien n'indique qu'il est en mesure d'inverser la tendance dans la dernière ligne droite de ces primaires. Après sa très lourde défaite, la semaine dernière, dans le très médiatique et symbolique Etat de New York (16 points d'écart), le sénateur du Vermont a subi mardi un autre revers sur la côte Est américaine, où le vote des minorités (noire américaine et hispanique) lui a de nouveau échappé. Dans la campagne Sanders, le doute s'installe, même si le candidat et ses conseillers assurent qu'il restera en course jusqu'à la convention démocrate de Philadelphie, fin juillet. Comme le résume Politico, «le sénateur du Vermont est trop fort pour abandonner la bataille démocrate mais trop faible pour la gagner».

Mais ce dernier ne donne aucun signe d’abandon prochain. Massivement financée par des petits donateurs, sa campagne dispose des moyens pour aller jusqu’au bout. Signe que son message social électrise une partie des électeurs, ses meetings continuent d’attirer les foules, en particulier parmi les jeunes. Cette frange de l’électorat, potentiellement décisive pour l’élection générale de novembre, risquerait d’être démobilisée par un abandon de Sanders, qui serait vécu comme une trahison. Le sénateur du Vermont restera donc vraisemblablement en lice jusqu’à la convention. Reste à savoir quelle stratégie il adoptera dans les semaines à venir : continuer les attaques contre Clinton (sur ses liens avec Wall Street, le financement de sa campagne et son vote pour la guerre en Irak) ou préparer le rassemblement derrière la candidate probable du Parti démocrate ?