Depuis 1993 et leur divorce à l’amiable avec la Slovaquie, les habitants de l’ancien Royaume de Bohême se demandent bien quelle forme courte utiliser pour désigner leur pays. Car il n’y a jamais eu de nom officiellement accepté pour caractériser ce territoire qui n’a cessé d’être rebaptisé depuis son origine. Après avoir été le Royaume de Bohême et avoir fait partie de la maison de Habsbourg, le pays, rattaché à l’actuelle Slovaquie, est nommé Tchécoslovaquie en 1918, puis finalement République tchèque, après la séparation, en 1993.
Le président tchèque, Milos Zeman, a annoncé à la mi-avril le lancement du processus d’enregistrement des versions simplifiées dans les principales langues. Ainsi, les termes «Czechia» en anglais, «Tchéquie» en français et «Tschechien» en allemand ont été choisis pour traduire l’expression tchèque «Cesko», qui a fini par s’imposer dans les mœurs. Le pays conservera toutefois son nom complet de République tchèque : Tchéquie deviendra le nom géographique officiel, comme France est le nom de la formelle République française.
Pourquoi rebaptiser la République tchèque ?
Enfin, cette nouvelle appellation répond à un besoin de simplicité sémantique. «Plus sympathique et plus court que la froide République tchèque», affirme le président Milos Zeman qui défend ardemment le projet. Selon les défenseurs de la nouvelle dénomination, le titre politique d'un pays ignore l'héritage historique du territoire. Ils rappellent de plus l'échec du terme «République tchèque», encore souvent appelée «Tchécoslovaquie» par les étrangers et qui n'a jamais réussi à s'imposer à l'international comme une marque à part entière.
Pourquoi le nom «Tchéquie» fait-il débat ?
Situé entre la Pologne, au nord, l'Allemagne, au nord-ouest, l'Autriche, au sud, et la Slovaquie, au sud-est, la République tchèque regroupe trois régions historiques : la Bohême, la Moravie et une partie de la Silésie. Cech est le nom d'un chef mythique qui serait arrivé en Bohême au VIe siècle lors des invasions barbares. Les Tchèques sont, littéralement, le «peuple de Cech».
Les partisans d'une plus importante autonomie régionale martèlent leur opposition au nouveau nom et considèrent que le mot «Cesko» ignore les territoires de Moravie et de Silésie et évoquent une «attaque anticonstitutionnelle contre l'identité des Moraves». Ondrej Hysek, homme politique et président du parti Les Moraves plaide quant à lui pour l'appellation en anglais «Czechlands» ou encore «Czechomoravia» qui inclue selon lui les régions de Moravie et de Silésie.
Souvent accusé de néologisme, le nom de «Tchéquie» est pourtant grammaticalement correct et l'origine de son utilisation remonte en 1602 en latin et en 1841 en anglais. Pour convaincre et briser les idées reçues, le gouvernement tchèque a récemment lancé un site internet, «Go Czechia», dans lequel les préjugés sont habilement déconstruits.
Pourtant, au sein même du gouvernement, l'annonce ne fait pas l'unanimité. Karla Slechtova, la ministre du Développement régional a exprimé son refus de l'appellation «Czechia» craignant que son pays soit confondu avec la Tchétchénie («Chechnya» en anglais). Réponse cinglante du ministère des Affaires étrangères : «Des connaissances médiocres ne peuvent pas empêcher l'utilisation du nom d'un pays.» Pour Karel Olivia, directeur de l'Institut de la langue tchèque (l'équivalent de notre Académie française), «il est difficile de prendre une telle décision dans notre propre langue et encore plus dans les langues étrangères. C'est l'usage qui décidera». La République tchèque est en marche vers sa révolution sémantique.