Dimanche à 2h30 du matin, le Venezuela changera d'heure. Il ne s'agit pas du classique passage à l'horaire d'été, qui n'existe pas dans ce pays tropical, mais d'une mesure censée faire économiser de l'énergie. Autre particularité, l'heure avance de 30 minutes : à 2h30 il sera 3 heures (et 9 heures à Paris). C'est un autre héritage du défunt président Hugo Chávez, qui a transformé son pays en «république bolivarienne» d'obédience socialiste. En 2007, il avait décidé d'avancer l'heure officielle de 30 minutes «pour que le début de la journée de travail coïncide avec le lever du soleil».
Confronté à une crise énergétique d'une gravité sans précédent, le gouvernement multiplie les initiatives, en attendant que la pluie daigne remplir les barrages des centrales hydroélectriques, aujourd'hui quasiment à sec. Mercredi était annoncée la réduction du temps de travail dans la fonction publique, afin de faire chuter la consommation d'électricité: ces deux prochaines semaines, les fonctionnaires ne travailleront que lundi et mardi, avec une petite permanence les autres jours pour les urgences.
«Nous avons faim»
En province, les coupures de courant durent plusieurs heures chaque jour. Privée de télévision, de réfrigérateur, de climatisation et même d'un simple ventilateur, la population commence à exprimer sa colère. Lundi et mardi, des saccages ont eu lieu à Maracaïbo, capitale de l'industrie pétrolière. Aux cris de «Nous avons faim» et «Nous voulons manger», la foule a attaqué et pillé des entrepôts de l'Etat, des camions et des commerces. Dans d'autres villes de province ont été signalées des manifestations spontanées et des coupures d'axes routiers. Une agitation que ne connaît pas la capitale Caracas, épargnée pour le moment par les délestages.
Les pénuries alimentaires et les interminables files d'attente pour pouvoir acheter les rares produits mis sur le marché sont l'autre grief adressé par les Vénézuéliens à leurs autorités. Mercredi, l'Assemblée nationale, où l'opposition au régime chaviste est largement majoritaire depuis janvier, a voté une motion de défiance contre le ministre de l'Alimentation, ce qui devrait entraîner sa destitution. Le président Nicolás Maduro a cependant affirmé que son ministre était «intouchable». Comme tous les votes de l'Assemblée depuis le début de l'année, celui-ci devrait être invalidé par le Tribunal supérieur de justice, formé de fidèles au chavisme. Autre provocation : le gouvernement ayant bloqué les versements de fonds au Parlement, celui-ci n'est plus en mesure de payer les indemnités des députés et les salaires des employés.
Référendum en marche
Afin de contourner le blocage institutionnel, l'opposition mise sur un référendum pour révoquer le président en exercice. Pour cela, il lui faut réunir les signatures de 20% du corps électoral, soit 4 millions. La première phase de la procédure, qui nécessite l'accord de 1% des électeurs, a été passée haut la main par l'opposition mercredi : elle a réuni en vingt-quatre heures 1,1 million de signatures, huit fois plus que nécessaire. Mais les détracteurs du régime redoutent que le «congé sécheresse» accordé aux fonctionnaires ne serve de prétexte pour ralentir, ou paralyser, les opérations de vérification de la liste.