Une calamité de plus s’abat sur le Venezuela, frappé par une triple crise politique, économique et climatique, avec une sécheresse persistante. Ce n’est pourtant pas le manque d’eau qui a contraint la brasserie Polar à interrompre vendredi ses chaînes de fabrication de bière. La compagnie, qui fournit 80 % de la production nationale, a indiqué que, faute de dollars, elle ne pouvait plus acquérir de l’orge malté, matière première indispensable. Selon le brasseur, l’arrêt des machines place au chômage technique 10 000 travailleurs et met en péril 300 000 emplois induits : épiciers, tenanciers de buvettes…
Seul l’Etat peut vendre des billets verts, provenant de la vente de pétrole, aux entreprises privées. Mais la chute du prix du baril a fait fondre les réserves, et les dollars disponibles sont attribués en priorité au secteur public.
«Rébellion». Aux mains de la famille Mendoza, qui l'a fondée en 1939, la firme Polar a échappé aux nationalisations qui ont marqué l'ère chaviste, mais elle reste menacée d'expropriation. Dimanche, le président Nicolás Maduro l'a répété. Selon lui, les pénuries alimentaires sont une arme dans la «guerre économique» livrée au gouvernement socialiste par le secteur privé afin de susciter la colère populaire et renverser le régime. Maduro a incité la population à s'emparer de la brasserie : «Une usine arrêtée, c'est une usine occupée par la classe ouvrière. Rébellion face à la conspiration, rébellion et révolution !» s'est écrié Maduro dans son intervention du 1er mai, que toutes les radios et les télés du pays avaient l'obligation de retransmettre en direct.
Le conflit avec Polar a porté par le passé sur la farine de maïs précuite que le conglomérat fabrique et distribue. Elle sert à préparer les arepas, crêpes épaisses qui sont le pain des Vénézuéliens. Sur ce secteur, Polar et sa marque PAN («Productions alimentaires nationales») sont en situation de quasi-monopole, car détenteurs d'une patente exclusive. Cet aliment de base est maintenu à un prix très bas par le pouvoir, mais la production satisfait difficilement les besoins.
Référendum. Le Venezuela semble danser sur un volcan. L'opposition, majoritaire à l'Assemblée mais empêchée de légiférer, cherche à réunir 4 millions de signatures pour déclencher un référendum révocatoire contre Nicolás Maduro. A qui le pape François a adressé une «lettre personnelle» dimanche, dont le contenu n'a pas été révélé. Le Président a annoncé le relèvement de 30 % du salaire minimum, dérisoire au regard de l'inflation : 180 % pour 2015, et selon les projections du Fonds monétaire international, 700 % en 2016. Un record mondial.