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Brésil: le processus contre Dilma Rousseff reprend son cours

Le président de l'Assemblée avait suspendu la procédure de destitution de la cheffe de l'Etat, avant de changer d'avis sous la pression.
Dilma Rousseff lundi soir à Brasilia. (Photo Reuters)
par Chantal Rayes, (à São Paulo)
publié le 10 mai 2016 à 9h04

Pendant quelques heures, Dilma Rousseff y a cru. Sa destitution imminente était soudain suspendue, sur une décision prise lundi par Waldir Maranhão, le chef par intérim de l'Assemblée brésilienne. La présidente du Brésil (Parti des travailleurs, PT) avait retrouvé le sourire, tandis que les marchés, qui misent sur son départ, s'affolaient. Et que le processus, déjà contesté, de destitution de la cheffe de l'Etat semblait basculer dans une «crise institutionnelle». Le président du Sénat Renan Calheiros a ainsi annoncé que la procédure d'impeachment suivrait son cours, envers et contre la décision de Waldir Maranhão, accusé de «plaisanter avec la démocratie». Les sénateurs voteront donc comme prévu le 11 mai, pour ouvrir ou non le procès de Dilma Rousseff, accusée d'avoir maquillé les comptes publics afin de masquer l'ampleur du déficit budgétaire.

En fonction depuis la mise à l'écart, le 5 mai pour corruption, d'Eduardo Cunha, le chef du perchoir a provoqué la stupeur en décrétant l'annulation pure et simple de la séance du 17 avril, quand 367 députés (soit plus des deux tiers de l'Assemblée) s'étaient prononcés en faveur de l'ouverture de la procédure contre Dilma Rousseff. Il statuait ainsi sur un recours du gouvernement, qui invoquait des vices de forme ainsi qu'une supposée violation des droits de la défense.

Gagner du temps

Obscur parlementaire mis en cause dans le scandale de malversations chez Petrobras, Waldir Maranhão était mu davantage par des intérêts politiciens que par une volonté de préserver la jeune démocratie brésilienne d'une deuxième procédure de destitution en moins de vingt-cinq ans (la première a visé, en 1992, l'ancien président Fernando Collor de Mello, alors accusé de corruption). «C'est le gouvermement qui se dresse derrière sa manœuvre, analyse le politologue Jorge Zaverucha. Il s'agissait d'une ultime tentative de renvoyer l'impeachment à la case départ, ou du moins de gagner du temps en obtenant le report du vote du Sénat.» Voire de consolider la thèse d'un putsch, renchérit le commentateur Merval Pereira. Car son échec était prévisible.

Critiqué par l'opposition, menacé d'expulsion par son propre parti, Waldir Maranhão est finalement revenu sur sa décision en fin de soirée. «Dans des circonstances normales, annuler un vote aussi crucial pour des vices de forme mineurs serait effectivement un scandale, écrit pour sa part le professeur universitaire Pablo Ortellado. Mais ceux qui s'en offusquent aujourd'hui ont eux-mêmes commis des abus. Le Parlement a exploité les failles de la loi sur l'impeachment pour autoriser une procédure de destitution de Dilma Rousseff sur des manœuvres budgétaires inoffensives.»