Sa spécialité, c'est d'envoyer se «faire foutre» ses adversaires. Mais samedi soir, lors de son spectacle «Grillo versus Grillo», le comique et fondateur du Mouvement Cinq Etoiles (M5S) ne s'est pas limité à prendre pour cible le nouveau maire travailliste de Londres, Sadiq Khan, de confession musulmane et d'origine pakistanaise. Après l'avoir traité de «bangladeshiano», Beppe Grillo a ironisé sur l'enthousiasme suscité par sa victoire et s'est exclamé : «Je veux voir les réactions quand il va se faire péter à Westminster.» La petite phrase a provoqué la surprise au Royaume-Uni et une vague d'indignation dans le monde politique italien.
De Forza Italia au Parti démocrate, on dénonce un dérapage «raciste» et «xénophobe». A l'inverse, du côté du Mouvement Cinq Etoiles, qui demeure – avec plus de 25 % d'intentions de vote dans les sondages – la seconde force politique du pays, on plaide le droit à l'humour et à la provocation. «Désormais, Beppe Grillo se consacre à son activité artistique», a précisé le député Manlio Di Stefano. Il y a quelques mois, le trublion avait en effet annoncé sa décision de prendre ses distances par rapport à la vie publique et de remonter sur les planches.
Reste que l'ambiguïté demeure. C'est en son nom qu'en fin de semaine dernière, le maire de Parme, Federico Pizzarotti, a été suspendu du mouvement Cinq Etoiles à la suite de son implication dans une enquête judiciaire. «Beppe est le garant du mouvement», a insisté le vice-président de la Chambre des députés et véritable leader des Cinq étoiles, Luigi Di Maio.
Populisme
Blague vaseuse de comique ou prise de position politique nauséabonde ? Le commentaire sur le maire de Londres rappelle en tout cas d'autres interventions similaires sur le blog de Beppe Grillo contre les migrants ou les Roms («une bombe à retardement sociale»). Depuis ses origines, le M5S a toujours eu une forte composante d'anciens électeurs de gauche résolument opposés au populisme xénophobe. Mais une partie de la direction du mouvement et Beppe Grillo lui-même n'ont jamais dédaigné séduire un électorat franchement plus à droite. «Si un militant [néofasciste, ndlr] de Casa Pound veut faire partie du Mouvement, je n'y vois aucun problème», avait assuré Beppe Grillo en 2013 avant de faire alliance, l'année suivante, avec le parti antieuropéen et anti-immigration Ukip de Nigel Farage au parlement européen.
Aujourd’hui, à la veille d’importantes élections municipales partielles qui se dérouleront début juin, le Mouvement Cinq Etoiles prend bien soin de ne pas diaboliser les électeurs de la Ligue du Nord. En retour, le leader du mouvement xénophobe, Matteo Salvini, a publiquement fait savoir qu’en cas de ballottage à Rome entre le candidat de la gauche et Virginia Raggi, il n’hésitera pas à voter pour la représentante du M5S, qui part favorite.