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Etats-Unis

Remboursement de la contraception: la Cour suprême américaine refuse de se prononcer

La haute cour devait rendre une décision dans l’affaire opposant le gouvernement à des organisations religieuses opposées à la prise en charge de la contraception garantie par l’Obamacare. Elle a finalement choisi lundi de renvoyer cette affaire à une juridiction inférieure.
La Cour suprême des Etats-Unis a renvoyé lundi à une juridiction inférieure une affaire concernant la prise en charge de la contraception garantie par l'Obamacare. (Photo Brendan Smialowski. AFP)
publié le 17 mai 2016 à 16h48

L’affaire oppose la liberté religieuse, garantie par le premier amendement de la Constitution américaine, au droit des femmes à bénéficier de façon égale à la contraception. Elle a finalement été renvoyée à une juridiction inférieure par la Cour suprême des Etats-Unis, qui a ainsi fait le choix de ne pas se prononcer sur le fond du dossier, qui oppose le gouvernement à des organisations religieuses, à propos de la prise en charge de la contraception garantie par la loi sur l’assurance maladie de Barack Obama.

Sur quoi porte l’affaire renvoyée par la Cour suprême ?

Cette affaire emblématique, dit «Zubik vs. Burwell» (du nom de l’évêque de Pittsburgh, David Zubik, et de Sylvia Burwell, secrétaire à la Santé américaine), oppose des organisations religieuses à but non lucratif hostiles à la contraception et le gouvernement américain. Elle concerne le remboursement de la contraception, garanti par l’Obamacare, la loi de Barack Obama sur la mise en place d’une protection sociale aux États-Unis. Ces organisations, parmi lesquelles figurent l’archevêché catholique de Washington ou encore l’institution caritative les Petites sœurs des pauvres, emploient du personnel car elles gèrent des cliniques, des universités ou des associations caritatives. En tant qu’employeurs, ces organisations doivent fournir à leurs salariés une assurance maladie prenant en charge les différents moyens de contraception, ce qu’elles refusent, demandant à être totalement exclues du dispositif.

L'Obamacare prévoit déjà des exceptions pour les employeurs qui refuseraient de financer des plaquettes de pilules contraceptives ou autres stérilets pour leurs employées au nom de la liberté religieuse : il leur suffit de le faire savoir officiellement et le remboursement est alors pris en charge par des compagnies d'assurances et les autorités médicales. Sauf que ces institutions religieuses considèrent que cette démarche les fait participer, indirectement, à un acte contraire à leurs croyances, et demandent à bénéficier d'une exclusion absolue. La Cour suprême a déjà accordé une telle exclusion dans de précédentes décisions à des Églises ou des groupes strictement religieux, mais pas encore à des institutions qui en dépendent, rappelle La Croix.

Pourquoi la Cour suprême a-t-elle refusé de se prononcer ?

La Cour suprême des Etats-Unis a renvoyé ce lundi à une juridiction inférieure, en l'occurrence la Cour d'appel de Washington, choisissant donc de ne pas se prononcer sur le fond de ce dossier. La Cour suprême a estimé dans sa décision que cette approche «convenait mieux» à cette affaire sensible.

La Cour suprême s'était montrée dans un premier temps proactive, en quête d'un compromis, en ordonnant aux parties de suivre des pistes d'entente potentielles. La plus haute instance judiciaire américaine avait demandé aux deux camps de fournir par écrit des idées de prise en charge de la contraception «d'une manière qui n'exige aucune implication» des employeurs. Les organisations religieuses ont plaidé pour la mise en place de systèmes de remboursement uniquement dédiés à la contraception, qui n'existent pas actuellement et qui semblent difficilement réalisables, note la Cour suprême dans un document à l'intention des juridictions inférieures, cité par The Atlantic.

Pourquoi ce genre de décisions risque de se reproduire ?

Avec huit juges (quatre conservateurs et quatre progressistes) au lieu du collège habituel de neuf, la Cour suprême américaine pourrait être bloquée en étant partagée à égalité lors de plusieurs votes cruciaux qui doivent avoir lieu lors des prochaines semaines, notamment sur la discrimination positive à l’entrée à l’université.

Depuis le décès du juge conservateur Antonin Scalia, le 13 février dernier, la haute cour ne compte plus que huit magistrats, les sénateurs républicains refusant d'entendre Merrick Garland, nommé par le président américain en mars au neuvième siège de l'institution. Cette audition du Sénat est pourtant une étape indispensable à la validation de la nomination. Selon les élus républicains, le prochain membre devra être nommé par le successeur de Barak Obama, qui sera investi le 20 janvier 2017. Plusieurs campagnes ont été lancé sur Twitter par les internautes via les hashtags #DoYourJob («Faites votre travail») et #WeNeedNine («Nous avons besoin de neuf juges») pour protester contre ce blocage.

Comment a réagi la Maison Blanche ?

Malgré le problème profond au sein de l’institution qu’elle traduit, la présidence américaine s’est immédiatement réjouie de la décision de la Cour suprême sur le remboursement de la contraception : «Cela permettra à des millions de femmes à travers le pays de continuer à avoir accès à la couverture santé dont elles ont besoin», a estimé Josh Earnest, porte-parole de Barack Obama. Il a affirmé que même avec neuf membres, la haute cour aurait peut-être également refusé de statuer. «Dans cette affaire, la présence d’un autre juge n’aurait pas nécessairement abouti à un résultat différent», a indiqué Josh Earnest, tout en reconnaissant : «Je n’ai entendu personne expliquer comment laisser la Cour suprême avec un poste vacant pourrait être une bonne chose pour le pays».