Ils sont méconnaissables. La police de Hanovre a publié cette semaine de nouvelles photos de trois des terroristes les plus recherchés du pays : Ernst-Volker Staub, Burkhard Garweg et Daniela Klette, passés à la clandestinité en 1993. Ils sont les trois derniers membres de la cellule terroriste de gauche RAF (Rote Armee Fraktion, ou Fraction armée rouge), la redoutée «Bande à Baader» des années 70 et 80, à avoir échappé à la police. Mais, sans doute à court d'argent, les trois anciens auraient ressorti les kalachnikovs et tenté plusieurs braquages ces derniers mois, relançant la traque. Visiblement, l'étau se resserre : les photos publiées cette semaine «datent de cette année», assure la procureure Marie-Luise Tartz, sans communiquer plus de détails «pour ne pas gêner l'enquête».
«Mauvaises dents»
Ernst-Volker Staub, 61 ans, barbe et cheveux grisonnants, casquette vissée sur la tête et visage creusé de profondes rides, a «de mauvaises dents», précise le commentaire assorti à la photo. Le cliché de Burkhard Garweg, dont l'âge est estimé à 47 ans, est flou. Casquette, lunettes, amaigri, il aurait lui aussi «de mauvaises dents». Leur compagne, 57 ans, a conservé sa silhouette juvénile, cheveux longs bruns, l'air las. Ils pourraient «vivre ensemble dans le nord de l'Allemagne, y mener une vie tranquille, peut-être avec un chien», précisent les enquêteurs, qui appellent aux témoignages, tout en conseillant la prudence. Le groupe est «sans doute lourdement armé». Leurs traces ADN ont été retrouvées lors de l'enquête sur deux tentatives de braquage sur un fourgon de transport de fonds, en juin et en décembre 2015 près de Brême et à Wolfsburg. Le mode opératoire est toujours le même. En plein jour, les agresseurs barrent la route au fourgon devant un supermarché, descendent armés de leur véhicule et ouvrent le feu. Mais les transporteurs ont à chaque fois réussi à se barricader et à redémarrer, contraignant leurs agresseurs à prendre la fuite. Deux nouvelles tentatives pourraient porter leur signature. Un nouvel échec mi-mai à Hildesheim, puis un braquage fructueux, fin mai à Düsseldorf, où trois agresseurs masqués ont pu s'emparer de la cargaison d'un transport de fonds. L'analyse des éléments ADN retrouvés sur place est en cours.
Petit retour en arrière, au tournant des années 80 et 90. Les fondateurs de la RAF - Andreas Baader, Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin - sont morts depuis longtemps. La plupart de leurs héritiers sont en prison. La «troisième génération » est à l’œuvre depuis 1985, avec 30 attentats à son actif entre 1985 et 1990. Le style s’est durci mais aussi «affiné», avec peu de traces laissées sur place. La police a le plus grand mal à attribuer les actions à l’un ou l’autre des terroristes connus. Plusieurs managers allemands sont littéralement exécutés de sang-froid. Les membres influents de la RAF sont faits prisonniers ou se suicident pour échapper à la police. Ce sont les pires années de la terreur. Puis, brusquement, c’est le silence.
Un million de marks
La RAF commet son dernier attentat en 1993 : 200 kilos de TNT font sauter la nouvelle prison - encore en travaux - de Weiterstadt, dans l’ouest du pays. Il n’y a pas de victimes. Suivra, en 1998, un communiqué dans lequel la RAF annonce sa dissolution.
Seuls trois membres de la cellule - Staub, Garnweg et Klette - courent toujours, depuis le 30 juillet 1999, date à laquelle ils attaquent à Duisburg un fourgon de transport de fonds et s'emparent d'un million de marks. «Les arrêter serait important, car ils savent tout sur les assassinats et attentats de la "troisième génération", qui n'ont pour la plupart jamais été vraiment élucidés», note Winfried Ridder, longtemps chargé du terrorisme de gauche au sein des services de renseignements allemands.
Ce regain d'activité signifie-t-il que les trois fugitifs cherchent à relancer la RAF avec une «quatrième génération», comme l'a un temps supposé la presse allemande ? Historiquement, l'attaque de fourgons blindés a toujours servi à la RAF à financer de nouvelles actions armées. Mais les enquêteurs ne croient pas à cette hypothèse, convaincus que Staub, Garweg et Klette ont tout simplement épuisé le million de l'attaque de 1999 et ont besoin d'une cagnotte pour financer leurs vieux jours… Un plan retraite «révolutionnaire», en quelque sorte.