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Libération
Décryptage

Cinq choses à savoir sur Binali Yildirim, nouveau Premier ministre turc

Il a été élu ce dimanche président de l'AKP et chef du gouvernement. Il succède à Ahmet Davutoglu.
Le ministre turc des Transports Binali Yildirim, prochain Premier ministre, le 19 mai 2016 à Ankara (Photo ADEM ALTAN. AFP)
publié le 22 mai 2016 à 14h35

L'AKP (Parti de la justice et du développement), au pouvoir en Turquie depuis 2002 – il a été fondé par l'actuel président de la République, Recep Tayyip Erdogan –, et qui compte 317 sièges sur 550 à l'Assemblée, a élu, dimanche lors de son congrès à Ankara, son nouveau président, et par là même Premier ministre, Binali Yildirim. Il remplace à ces deux postes Ahmet Davutoglu, poussé à la démission le 4 mai pour avoir marqué sa différence avec Erdogan sur l'accord avec l'Union européenne concernant les exemptions de visas pour les Turcs ou encore le placement en détention provisoire de journalistes en procès. Aucune surprise dans ce résultat : Binali Yildirim était le seul candidat. Passage en revue du personnage en cinq points.

1. Il va jouer les assistants

Yildirim va appliquer à la lettre la volonté d'Erdogan de transférer l'essentiel des pouvoirs exécutifs du Premier ministre au président. Au terme de ces manœuvres politiques, les pouvoirs du Parlement et ceux du gouvernement seront de plus en plus réduits. «Le commandant éternel de l'AKP  est bien Erdogan. Alors Yildirim sera plutôt un assistant», estime Abdulkadir Selvi, porte-parole officieux de l'AKP, et chroniqueur au sein du quotidien Hürriyet. «Ils ont choisi un homme au profil bas avec une grande fortune et des moustaches», ironise le président de la principale formation de l'opposition, le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate, 133 sièges au Parlement), Kemal Kilicdaroglu. Meral Bektas, députée du HDP (Le Parti démocratique des peuples, Kurdes et gauche, 59 sièges) estime, elle, qu'avec Yildirim, «ce sera le droit du palais qui sera en vigueur».

2. Il a une maigre expérience

Né en 1955 dans un petit village d’Erzincan (Est), Yildirim a fait ses études supérieures à l’Université technique d’Istanbul, où il a obtenu une licence en sciences maritimes. Il travaille avec Recep Tayyip Erdogan depuis 1994. Ministre des Transports de 2002 à 2013 et de 2015 à 2016, il se vante d’avoir porté 44 projets pour un montant de 253,3 milliards de dollars (225 milliards d’euros). Candidat malheureux à Izmir (sur la mer Egée) lors des élections locales de mars 2014, Yildirim était devenu le conseiller en chef d’Erdogan. Il est député depuis 2002.

3. Il jouit d’une richesse qui fait jazzer

Yildirim et sa famille possèdent 17 compagnies, 28 bateaux et 2 super yachts selon le quotidien Cumhuriyet. «Son action politique n'est pas excellente. Il était l'organisateur des "médias de piscine" [médias créés grâce aux dons des hommes d'affaires proches du pouvoir qui bénéficient de grands contrats publics, ndlr], estime le social-démocrate Kilicdaroglu. Alors que les partisans d'Erdogan célèbrent la nomination de Yildirim, pour Ozgur Mumcu, chroniqueur de Cumhuriyet «Erdogan et Yildirim ont pris ensemble le train de la folie qui roule à toute vitesse contre un mur». Les photos de son fils qui joue dans un casino de Thaïlande et celle de son cousin en train de prendre du raki (pastis turc) ont été publiées dans la presse d'opposition. Inutile de préciser que les jeux de hasard ou la consommation d'alcool ne sont pas les pratiques courantes prisées par les milieux musulmans.  

4. Il a un futur en pointillé

Les observateurs s’accordent à estimer que le nouveau Premier ministre n’a pu obtenir qu’un CDD du palais. La composition du cabinet et celle de la direction de l’AKP vont changer en grande partie. Par ailleurs, la guerre contre les Kurdes, la crise syrienne, celle des réfugiés, la levée de l’immunité parlementaire des députés kurdes, les relations avec Bruxelles et Washington sont des problèmes très difficiles à résoudre par un responsable comme Yildirim, qui n’a pas beaucoup d’expérience ni d’expertise.

5. Il se méfie… des étudiantes

Mari de Semiha, institutrice, et père de trois enfants, Yildirim parle anglais et français, assure sa biographie officielle. «Quand j'ai eu mon bac je suis venu à Istanbul voir l'université du Bosphore, a-t-il pu dire. Mais j'ai vite abandonné l'idée de m'y inscrire. Car j'avais vu des filles en minijupe assises sur les pelouses avec leurs copains. Et je me suis dit : "Ici je risque d'être corrompu"». L'homme a un débit très lent «et multiplie les blagues pas très drôles», observe un journaliste.