Depuis une semaine, les forces irakiennes s’approchaient de Fallouja. Lundi matin, pour la première fois, elles ont pénétré dans la ville contrôlée depuis janvier 2014 par l’Etat islamique (EI) et se sont emparées d’un commissariat. Elles avaient repris quelques jours plus tôt plusieurs villes et villages situés à la périphérie.
L’assaut a été lancé par les forces du service de contre-terrorisme (CTS), considérées comme les plus aguerries. Elles sont aidées par les bombardements de la coalition internationale et appuyées par des soldats de l’armée irakienne et des milices chiites proches de l’Iran. Au total, des dizaines de milliers de combattants sont mobilisés.
Jihadistes et snipers
Face à eux, il n'y aurait qu'environ un millier de jihadistes, peut-être moins, retranchés dans des immeubles peuplés de civils. «D'un point de vue purement militaire, l'EI est clairement affaibli. Ils se sont retirés des faubourgs de la ville pour échapper aux bombardements. Et on remarque depuis quelques semaines que la précision de leurs tirs et que leurs capacités de mobilisation et de déplacement ont largement diminué», explique Arthur Quesnay, chercheur au think tank français Noria Research. Comme à Ramadi ou Tikrit, les forces irakiennes s'attendent à une progression lente, entravée par les mines artisanales déposées par les jihadistes et par ses snipers.
Situé à seulement 50 kilomètres de Bagdad, la capitale, Fallouja a été l'un des foyers d'Al-Qaeda après l'invasion américaine de 2003. Les jihadistes avaient fini par être chassés grâce aux «milices du réveil», des combattants sunnites financés par les Etats-Unis. Mais en janvier 2014, l'EI s'empare à son tour de la ville. Il avait alors profité du mécontentement de la population sunnite, marginalisée par le Premier ministre Nouri al Maliki et les forces de sécurité majoritairement chiites. Six mois plus tard, l'EI fondait sur Mossoul et déclarait l'instauration d'un «califat» en Irak et en Syrie. Fallouja est depuis considéré comme l'une des bases où sont fomentés les attentats suicide contre Bagdad. «S'il reprend Fallouja, le pouvoir irakien sécurisera Bagdad, où est stationnée la moitié de l'armée. Cela lui permettra de redéployer des soldats sur d'autres fronts», explique Arthur Quesnay.
«Epuisées et affamées»
Environ 50 000 civils seraient toujours piégés à Fallouja. Depuis plusieurs mois, ils manquent de tout, nourriture, eau potable et médicaments. Comme ailleurs en Irak et en Syrie dans les villes qu'il contrôle, l'EI fait tout pour les empêcher de s'enfuir. Seules 3 000 personnes ont pu sortir des banlieues de Fallouja depuis une semaine. Elles étaient «épuisées, effrayées et affamées», selon le Conseil norvégien pour les réfugiés. Les autres sont bloquées «sans aide ni protection».
Une éventuelle reconquête de leur ville par les forces irakiennes et les milices chiites ne les rassurera pour autant pas. A Tikrit, repris en mars 2015, les habitants sunnites sont peu à peu revenus, n’ayant nulle part ailleurs où aller, mais ils subissent rackets et arrestations arbitraires de la part des miliciens qui patrouillent dans les rues.