«Coupable» : l'ex-dictateur tchadien Hissène Habré a été rattrapé par son passé, lui qui n'est jamais sorti d'un silence hostile pendant les longs mois de son procès. Le voilà condamné à la prison à perpétuité, lundi à Dakar (Sénégal), un verdict historique rendu par un tribunal spécial sénégalais, qui aura valeur de modèle pour la justice internationale. Pour la première fois, un ancien chef d'Etat a été condamné pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture dans un autre pays que le sien. Lequel endosse ainsi le poids de la conscience du monde et de la lutte contre l'impunité des puissants.
Ex-rebelle nordiste, Habré arrive au pouvoir par les armes en 1982. Et s’impose par une terreur paranoïaque jusqu’en 1990, date à laquelle il s’enfuit à Dakar, au Sénégal, où il reste jusqu’à son arrestation en 2013. La quête de justice sera laborieuse, parsemée de rebondissements. En 1999, les premiers témoignages concernant le règne de Habré, qui aurait fait au total 40 000 victimes, devront être transportés dans le plus grand secret de N’Djamena, cachés dans une valise. Car au Tchad, même après le départ de Habré, les témoins ont peur, leurs défenseurs seront menacés ou molestés, comme ce fut le cas de l’avocate tchadienne Jacqueline Moudeina. Mais une des victimes du dictateur brisera le premier le silence : simple fonctionnaire, pris dans la machine à broyer du régime, Souleymane Guengueng jouera un rôle crucial.
Le procès de Hissène Habré est donc également exemplaire en montrant combien la volonté acharnée d’une poignée d’hommes et de femmes, peut soulever des montagnes et aboutir à un procès longtemps considéré comme utopique. Ces combattants de la justice sont les héros du jour. Mais bien des questions resteront dans l’ombre, à commencer par les soutiens étrangers qui ont permis à Habré de se maintenir au pouvoir pendant huit ans.