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Libération
Pollution

Séoul accuse Pékin d’enfumage passif

Les émissions chinoises sont en partie responsables de la pollution en Corée du Sud. Mais pas seulement.
Un site pétrochimique de la joint-venture Samsung Total, à 150 km au sud de Séoul, en 2013. (Photo Lee Jae Won. Reuters)
publié le 30 mai 2016 à 18h51

Certes bien en deçà des niveaux de Pékin, les taux de particules fines enregistrés en Corée du Sud sont en moyenne plus de deux fois supérieurs à ceux des villes européennes et nord-américaines, atteignant régulièrement des seuils considérés comme nocifs. Alors que ces taux s'étaient améliorés au tournant du millénaire, ils sont de nouveau en légère augmentation depuis 2011. La Corée du Sud se classe 173e sur 180 en termes de qualité de l'air, selon l'indice de performance environnementale publié en mai par les universités de Yale et Columbia.

Nasa. Le problème sanitaire est tel que le pays a été le premier à lancer, fin avril, une collaboration avec la Nasa pour, entre autres, améliorer les prévisions liées aux particules fines. Pendant six semaines, deux avions ont sillonné le ciel coréen pour collecter des données atmosphériques. Le voisin chinois, de l'autre côté de la mer Jaune, est en partie responsable de cette chape de pollution qui enserre la péninsule. Mais si Pékin a tendance à être invariablement montré du doigt à Séoul, plus de la moitié des particules fines qui polluent la Corée sont pourtant de source domestique. «Les pics de pollution enregistrés ici sont probablement attribuables à la Chine, mais pas la pollution structurelle que l'on constate au quotidien», assure Changsub Shim, chercheur à l'Institut coréen pour l'environnement.

La capitale, qui n'héberge plus de grandes usines, souffre surtout des gaz d'échappement de ses véhicules polluants. «Le nombre de véhicules au diesel a beaucoup augmenté pour des raisons économiques. Beaucoup d'hommes politiques continuent de penser que le charbon et le diesel, parce qu'ils sont peu onéreux, contribuent grandement à l'économie nationale», regrette Shim.

«Contradictoire». Dans le reste du pays, les émissions industrielles proviennent essentiellement des centrales au charbon. Celles-ci seraient responsables de plus de la moitié des particules fines, selon un rapport de Greenpeace Corée. Fortement dépendante à ce combustible fossile, la Corée du Sud a dépensé l'an dernier des sommes record pour ses centrales, tandis que les dépenses gouvernementales pour l'énergie thermique, le gaz naturel liquéfié et les énergies renouvelables étaient en baisse. En 2015, le charbon a fourni 40 % de l'électricité produite dans le pays.

La demande devrait continuer à augmenter, et 19 nouvelles centrales à charbon doivent voir le jour d'ici à 2022. «La Corée s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 37 % d'ici à 2030 mais elle poursuit sa politique de développement des usines au charbon. C'est contradictoire», fait remarquer Greenpeace Korea. «Les pays d'Asie de l'Est devraient coopérer pour diversifier leurs sources d'énergie», préconise le chercheur Changsub Shim. Depuis quelques années, le maire de Séoul, Park Won-soon, et son homologue de Pékin, Wang Anshun, se sont engagés à coopérer en la matière. Le 19 mai, Séoul organisait ainsi un forum international pour l'amélioration de la qualité de l'air dans la région. Mais pour l'instant, cette collaboration se résume à des forums de discussion et de simples partages de données.