Si l'on avait encore un doute sur ce parfum de guerre froide qui flotte dans l'air, il suffirait de se souvenir de la réaction du Kremlin à la publication des Panama Papers qui mettaient en cause l'entourage du président russe. Une «provocation» ourdie par les Américains, s'était indigné Vladimir Poutine et l'on avait alors eu une pensée pour John Le Carré qui, quelque part en Cornouailles, devait mâchouiller son crayon en imaginant les scènes qu'il allait recréer enfin pour George Smiley, son célèbre espion, bien désœuvré depuis la chute du mur de Berlin. Ces temps-ci, chaque semaine charrie son lot de souvenirs brûlants d'une époque que l'on croyait réservée aux livres d'histoire ou aux séries télé en vogue telle The Americans. Jusqu'à la récente installation par l'Otan, à la grande fureur des Russes, d'un bouclier antimissile en Roumanie, un épisode que l'on croirait copié-collé sur la crise des Euromissiles de la fin des années 70.
Mais l’histoire se répète rarement à l’identique. Le monde de 2016 n’est pas celui de 1980 : de bipolaire il est devenu multipolaire. La Chine est désormais une puissance qui compte et l’Europe n’est plus le seul point de friction entre Occidentaux et Russes, le Moyen-Orient en est un autre. Dans cet incroyable télescopage de conflits qui caractérise ces années 2015-2016, Occidentaux et Russes ont un ennemi commun, l’Etat islamique, qui a abattu un avion de ligne russe dans le Sinaï et attaqué à plusieurs reprises des cibles américaines et européennes. C’est donc une guerre froide d’un nouveau type qui s’installe aujourd’hui, multiforme et d’autant plus imprévisible qu’un de ses principaux acteurs, le président des Etats-Unis, changera d’ici quelques mois. On n’ose imaginer une confrontation Trump-Poutine. Elle ne ferait les affaires que des George Smiley et autres 007.