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Libération

Rwanda : «Je les ai entendu dire "machettez-les"»

Publié le 08/06/2016 à 21h41

Le film du massacre de l’église de Kabarondo, le 13 avril 1994, repasse plusieurs fois par jour dans la tête des jurés de la cour d’assises de Paris. A chaque témoin qui défile à la barre, un nouveau point de vue, au sens physique du terme. Un nouvel angle pour comprendre le déroulement de cette journée où des milliers de Tutsis piégés dans la paroisse de Kabarondo, dans l’est du Rwanda, ont été tués par des gendarmes et des miliciens interahamwe.

Mardi, Jean-Damascène Rutagungira, 59 ans, a raconté l'attaque. Son récit est crucial car il est l'un des seuls survivants à avoir assisté à la scène depuis l'extérieur de la paroisse. «J'étais avec un ami : nous étions cernés par les interahamwe d'un côté, et les balles de l'autre. Dans la confusion de la bataille, nous nous sommes couvert le visage et on s'est mêlés à la foule des tueurs.» Jean-Damascène assure qu'il a vu les accusés, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, «diriger les miliciens». Le premier était le bourgmestre de Kabarondo, le second son prédécesseur à ce poste, et responsable local du parti présidentiel, le MRND.

Les deux hommes sont poursuivis pour crimes contre l'humanité et génocide. Le témoignage de Jean-Damascène est accablant. «J'étais situé à entre 5 et 8 mètres d'eux. Je les ai entendu dire "machettez-les" et "coupez vite".» Selon lui, Tito Barahira était vêtu d'une grande veste et avait une lance à la main. Et Octavien Ngenzi ? insiste l'avocat général, Philippe Courroye. «Il était d'accord avec tout ce qui se passait.» Devant l'église, Jean-Damascène a assisté au massacre de ses proches, sans oser intervenir, de peur de trahir sa présence dans la foule des assassins. «Je les ai vu fracasser la tête de ma mère quand elle est sortie.» Le 13 avril 1994, il a perdu 21 membres de sa famille, dont son épouse, ses frères et sœurs, tous ses enfants.