Menu
Libération
Argentine

Le ministre de l’Energie accusé de conflit d’intérêts

Juan José Aranguren est au cœur d'une polémique après l'annonce qu'il détient plus d'un million d'euros d'actions dans la compagnie de pétrole Shell, une entreprise dont il a dirigé la filiale dans le pays.
Buenos Aires, 18 mai. Au centre du groupe écoutant Mauricio Macri, le président argentin: le ministre de l'Energie, Juan José Aranguren. (Photo AFP)
publié le 9 juin 2016 à 19h39

Ministre de l'Energie et actionnaire de Shell: en Argentine, c'est possible. Le quotidien la Nacion a dévoilé mercredi que Juan José Aranguren détenait 16 millions de pesos (environ 1 million d'euros) d'actions de l'entreprise pétrolière Shell. Le ministre avait passé douze ans à la tête de la filiale argentine de la compagnie anglo-néerlandaise. Il l'avait quittée pour entrer au gouvernement en décembre 2015.

Quelques heures ont suffi aux membres de l'opposition pour crier au conflit d'intérêts, rappelant que le ministre est en charge des hydrocarbures. Ils dénoncent aussi une infraction à la loi sur l'éthique publique. Cette dernière stipule que les membres de la fonction publique ne doivent pas mettre leur nez dans la gestion d'entreprises auxquelles ils ont été liés au cours des trois années précédentes. «La loi m'interdit seulement de prendre des décisions sur Shell, compte tenu du poste que j'ai occupé», s'est défendu dans un communiqué Juan José Aranguren. Qui compte bien conserver ses actions.

Selon la Nacion, «des députés kirchneristes [l'opposition, ndlr] ont porté plainte, accusant le ministre de bénéficier des augmentations tarifaires du gaz en tant qu'actionnaire de Shell, même si l'entreprise n'est pas une importante productrice de gaz dans le pays.» Une enquête a été ouverte par la justice argentine.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri en décembre 2015, le gouvernement tente de lutter contre une inflation en constante augmentation. «Le gouvernement a voulu ajuster les prix de l'essence, du gaz, de l'électricité, etc. Tous les secteurs de l'économie qui profitent de subventions de l'Etat sont concernés», explique à Libération Facundo Cruz, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'université de Buenos Aires. Au 1er janvier 2016, l'électricité a ainsi connu une hausse de prix de 700%. Début juin, le ministre Juan José Aranguren a annoncé une nouvelle augmentation, provoquant la grogne de la population et de l'opposition. «Ces coupes se ressentent sur le porte-monnaie des Argentins : le pouvoir d'achat diminue et le mécontentement social est de plus en plus fort, reprend le spécialiste. Et pour eux, la faute revient à Aranguren, puisqu'il est responsable de ces mesures.»

Juan José Aranguren peut néanmoins compter sur le soutien de son parti, le PRO. Parmi eux, le député Pablo Tonelli : «Je doute qu'il y ait le moindre problème. La meilleure chose à faire est de déposer un dossier au bureau anticorruption et de voir les résultats de l'enquête», a-t-il déclaré à la radio nationale. Sa réaction a été suivie par celle du chef de cabinet des ministres, Marcos Peña. «C'est une conviction personnelle, mais je pense que la loi est claire et qu'il n'y a aucune incompatibilité.»