Depuis mardi, des fonctionnaires birmans parcourent l'Etat de l'Arakan, à la frontière avec le Bangladesh. Leur objectif : recenser le nombre de personnes ayant une carte bleu ciel dans leur poche. Ce document sert de papier d'identité aux habitants de la région qui n'ont pas la nationalité birmane. Parmi eux, de nombreux Rohingyas, minorité musulmane opprimée de longue date en Birmanie. Depuis 1982, cette population musulmane de plus d'un million de personnes n'est plus reconnue comme l'une des 135 ethnies répertoriées dans le pays, rendant ainsi ses membres apatrides, citoyens de seconde zone obligés de vivre dans des camps de fortune à la frontière avec le Bangladesh.
Aujourd'hui, le parti d'Aung San Suu Kyi, au pouvoir depuis novembre et accusé d'inaction sur le dossier des minorités, veut recenser le nombre exact d'apatrides pour, à terme, les régulariser au cas par cas. Les Rohingyas doivent apporter la preuve de leur longue présence dans le pays afin d'obtenir la citoyenneté. D'où cette carte bleue donnant des informations sur son détenteur. Le processus s'annonce long et difficile. «Nous commençons dans trois villes de l'Arakan mais à terme, le plan a vocation à être national», a déclaré Myint Kyaing, le ministre de l'Immigration et de la Population, au Myanmar Times, le principal quotidien birman. Jusqu'en 2015, les Rohingyas avaient le droit à une carte blanche leur donnant le droit de vote.
A l'approche des législatives de novembre, les premières libres de ce type depuis vingt-cinq ans, la junte militaire au pouvoir les a confisquées, et proposé en échange la carte bleu ciel. Le Myanmar Times précise que les nouvelles cartes n'incluent pas de distinction de «race» ou de «religion» pour «éviter les controverses sémantiques et les conflits sectaires». Mais les Rohingyas, eux, veulent affirmer leur appartenance à leur groupe ethnique et être reconnus comme tels. Selon Radio Free Asia, financée par les Etats-Unis, de nombreux Rohingyas refusent de répondre au formulaire de recensement. Seuls les individus ayant la carte pourront pourtant passer les multiples étapes administratives leur donnant la citoyenneté.