La campagne pour le référendum sur l’Union européenne au Royaume-Uni n’y coupe pas. Comme pour tout scrutin, les électeurs sont assommés de vérités et contre-vérités, de menaces et promesses dithyrambiques, de chiffres, pourcentages et slogans déprimants. Heureusement, au milieu de cet océan tout gris flotte encore un peu d’humour.
Parfois il est involontaire, comme lorsque David Cameron prédit la troisième guerre mondiale pour le 24 juin, le lendemain du référendum (il n’a pas vraiment dit cela, mais il n’en était pas loin) ou que Boris Johnson se félicite de pouvoir bientôt, si le Royaume-Uni quitte l’UE, pouvoir décider seul de la courbure des bananes. Et puis, il y a les petits génies qui dénichent ou créent eux-même des pépites de fous-rires, des secondes de franc bidonnage. Et qu’est-ce que ça fait du bien ! Revue de détail, non exhaustive, de ces sauveurs d’ambiance.
Décolleté
Mandy Boylett a donné dès février le coup d’envoi des réjouissances. Cette Britannique de 51 ans est membre du parti anti-européen du Ukip depuis 2011. Elle s’est donné pour mission d’introduire du «fun» dans la politique.
sous une photo d’elle
(ci-contre)
arborant un décolleté vertigineux, elle explique ainsi que sa
«politique est comme sa manière de s’habiller, totalement en faveur de sortir».
Mandy est pleine de ressources. Avec une copine, elle a enregistré une «chanson du Brexit». Habillée comme, à une certaine époque, les Spice Girls, en minirobe à l'imprimé Union Jack, les deux femmes entonnent une reprise de Three Lions, Football's Coming Home, l'hymne de l'Euro 1996. Sauf que cette fois-ci, c'est bien sûr «Britain», et non plus «le foot» qui «rentre à la maison». Pour les esprits sensibles et les oreilles mélomanes, la vidéo ci-dessous peut choquer. Certains commentaires sont assez révélateurs, comme celui qui explique que la chanson est une raison suffisante pour décider de rester au sein de l'UE.
Cravate, tee-shirt et capote
Nigel Farage, chef du UKIP et de l'une des campagnes en faveur du «Leave», GrassrootsOut GO ! s'est aussi montré, involontairement, très drôle. Pendant les premières semaines de la campagne, il a systématiquement arboré une cravate verte immonde imprimée du mot «GO», qui a également convaincu pas mal d'électeurs indécis de voter en faveur de «Remain». Du coup, Nigel Farage a laissé tomber la cravate verdâtre.
Comme toujours, les petits malins du merchandising ont été imaginatifs, avec des préservatifs sur les pochettes desquels est inscrit «Vote pour le Brexit : le choix le plus sûr» ou «Vote pour le Brexit : c'est plus risqué de rester».
"Well I was undecided about how to vote in the EU referendum, but then I saw this condom packet..." - Nobody. Ever. pic.twitter.com/ShDcHqKBNc
— Dean Burnett (@garwboy) February 23, 2016
Le tee-shirt, un grand classique, n’a bien entendu pas échappé au référendum.
«I Love EU»
Outre la charmante Mandy Boylett, le référendum a aussi inspiré nombre de chanteurs et compositeurs, comme ces jeunes électeurs, paumés au milieu des affirmations d'un camp ou de l'autre et qui supplient : «Should I Stay or Should I Go ?» («Dois-je rester ou dois-je partir ?)
Ou ce compositeur-crooner gallois, Gruff Rhys, qui a écrit et enregistré un véritable hymne d'amour à l'Union, intitulé «I love EU» (à prononcer évidemment [I Love You]). On n'a pas encore compris pourquoi le chanteur est posté devant un paysage rappelant les Alpes et… la Suisse, qui n'est pas à notre connaissance, membre de l'Union européenne.
Euro et Europe
A l'heure où l'Euro 2016 est au bord du coup d'envoi et que 500 000 supporters britanniques s'apprêtent à déferler sur la France pour assister aux matchs des trois équipes britanniques, l'Angleterre, l'Irlande du Nord et le Pays-de-Galles, l'appel à la satire est indéniable. Cette fausse une du magazine satirique Private Eye du 23 juin, date du référendum, mérite le détour. On y voit l'équipe de football anglaise descendre de son avion. Le titre clame : «L'Angleterre soutient le Brexit» et une bulle signale : «De toute façon, on sera sorti de l'Europe très vite.» Une allusion peu charitable au palmarès peu glorieux de l'équipe d'Angleterre qui n'a jamais dépassé le stade des demi-finales, qu'elle n'a atteint qu'une fois, en 1996 et en Angleterre. Match perdu aux penalties contre l'Allemagne.
Bulletins de vote, drapeaux et animaux
Certains font franchement preuve de mauvais esprit, en réécrivant le bulletin de vote qui sera proposé aux Britanniques le 23 juin. Sous la case «Remain» («rester»), un petit plaisantin a rajouté :
«Parce que le Royaume-Uni devrait faire partie d’un ensemble plus grand que lui. Et puis parce qu’on est au XXe siècle, putain !, qu’on devrait être des grands garçons face aux défauts de l’UE et essayer de les gommer plutôt que de se casser pour se réfugier dans les jupes de maman»
Et, pour faire la moyenne, sous la case «Leave» («quitter»), on trouvera : «Parce que je crois que Nigel Farage, Donald Trump, Vladimir Poutine, Boris Johnson et Rupert Murdoch ont tous le meilleur de mes intérêts à cœur et m'ont tous dit que tous nos problèmes sont la faute de l'UE. Et aussi parce que je suis un peu raciste.»
Certains raillent aussi les régulations européennes, dont celle sur les tissus inflammables qui empêchent ce partisan du Brexit de brûler un drapeau européen.
Les Britanniques ont de l'humour, nul ne peut désormais en douter. Ils ont même un sens aigu de l'autodérision, comme en témoigne ce fil twitter, #PetsforBritain (animaux de compagnie pour le Royaume-Uni) qui ne peut être que le fruit d'une forme poussée d'autodérision, non ? Le fil est destiné à «ceux qui croient que les animaux de compagnie s'épanouiraient hors de l'Union européenne». Le hashtag n'affiche que 347 followers, mais surtout seulement 16 «likes», ce qui est un peu à désespérer.
«Teutons pour le Brexit»
Pourtant, en dépit de ce déferlement d'humour typiquement british, il nous faut pourtant remettre la palme de l'humour à… un Allemand, et que personne n'y voit ici de sentiment anti-britannique primaire. Simplement, cet humoriste-comédien, Lutz von der Horst, dépêché à Londres par la chaîne de télévision allemande ZDF, est juste vraiment très drôle. Il est arrivé avec sa pancarte «Krauts for Brexit» que l'on pourrait traduire par «Teutons pour le Brexit» et s'est mêlé à la campagne.
Il faut voir la tête de la Britannique en faveur du «Remain» lorsque Lutz lui explique très sérieusement qu'il est en faveur du Brexit parce qu'il veut que «l'Allemagne reste le pays numéro 1 en Europe, le plus fort, c'est tout».
Et celle de la femme en faveur du Brexit à qui il explique que l'Angleterre ne pourra plus participer à l'Euro de football en cas de Brexit : «L'UE ou le football, vous devez choisir.» Lorsque cette membre du Ukip lui explique avoir rencontré des Allemands soutenant l'AFD (Alternativ für Deutschland, parti d'extrême droite allemand), Lutz von der Horst réplique toujours aussi sérieusement : «Oui mais l'AFD est le parti des abrutis d'Allemagne.» «Mais ils veulent bien quitter l'UE ?» s'enflamme son interlocutrice, avant de lâcher : «Il y a ici aussi beaucoup d'idiots qui veulent quitter l'UE.» Un délice.