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Libération
Récit

Massacre dans un club gay à Orlando en Floride

Massacre à Orlandodossier
Un homme a tué au moins cinquante personnes à Orlando dans la nuit de samedi à dimanche. L’attaque a été revendiquée par l’Etat islamique.
Des proches de victimes près du lieu de l'attaque, dimanche à Orlando. (Photo AP)
publié le 12 juin 2016 à 20h51
(mis à jour le 12 juin 2016 à 21h11)

«Awww merde, j'avais complètement oublié que c'était la Nuit latine au Pulse !» se désolait à une heure du matin sur Facebook Tyrone Branch, un grand Noir qui aime montrer ses muscles sur Internet. Comme tous les samedis soir, le show de Neema Barahmi venait de se terminer sur la scène du Pulse, la «discothèque latino la plus chaude» d'Orlando, en Floride, et le barman hurlait «free shots, free shots !» («shots gratuits»). Une heure après, juste avant la fermeture, un tireur semait la panique parmi les danseurs de merengue et de salsa. Et à l'aube, après une prise d'otages et l'intervention des forces spéciales, le bilan de la soirée était très lourd : au moins 50 morts et 53 blessés. Ce qui en fait la fusillade de masse la plus meurtrière de l'histoire des Etats-Unis. L'assaillant, abattu par la police, a été identifié comme un Américain d'origine afghane de 29 ans nommé Omar Mateen, vivant à Fort Pierce, à deux heures de route d'Orlando. Juste avant son acte, il avait fait allégance à l'Etat islamique, qui a revendiqué l'attaque dans la soirée.

«Fusil d’assaut»

Des vidéos de la soirée, tournées par les habitués de ce club gay et lesbien, très populaire parmi les membres de la communauté LGBT de l’Etat, ont été postées sur les réseaux sociaux avant l’attaque. Elles montraient une ambiance bon enfant sur la piste de danse principale de l’établissement. Hommes, femmes, drag queens, transgenres se mêlaient avec force paillettes, minijupes et rires en anglais et en espagnol.

Selon la police, le tireur aurait garé son van sur le parking, avant d'échanger des premiers coups de feu à l'entrée de la discothèque avec les agents de sécurité. Décrit comme «très préparé, armé d'un fusil d'assaut, d'un revolver» et de ce qui ressemblait à une ceinture d'explosifs, il s'est rué à l'intérieur et, selon de nombreux témoins, a tiré longuement, «le temps d'une chanson entière» . L'un d'eux a expliqué que «plus d'une centaine de personnes» se trouvaient encore sur la piste et au bar pour le dernier verre avant la fermeture.

Grâce à un vigile qui aurait défoncé une cloison entre la salle et les coulisses, plusieurs dizaines d'entre elles ont pu s'enfuir par l'arrière du club, très choquées, décrivant une scène de tuerie. Le Pulse postait alors sur sa page Facebook cette injonction : «Tout le monde doit sortir et courir.» Des clients ont trouvé refuge dans les vestiaires et les toilettes. Un site local a diffusé les SMS qu'un garçon a alors envoyés à sa mère : «Maman je t'aime», «ça tire dans le club», « je vais mourir», «il est dans les toilettes avec nous».

Dimanche soir, on avait peu d'informations sur les trois heures qui ont suivi. La police, qui dit avoir été informée en permanence par des otages, a décidé de lancer l'assaut à 5 heures du matin. Les troupes d'élite ont lancé deux charges explosives pour détourner l'attention avant de défoncer un mur avec un véhicule blindé, et d'abattre le preneur d'otages. Selon les autorités, l'assaut aurait sauvé la vie d'une trentaine de personnes. Les hôpitaux ont demandé aux donneurs de sang de se manifester, et la ville de 220 000 habitants, où se trouve le parc Disneyworld, a été placée en état d'urgence pour faciliter l'arrivée de renforts. Le FBI, qui a ouvert une enquête pour terrorisme, a d'abord assuré qu'il s'agissait d'un «loup solitaire» et qu'il n'y avait pas d'autres menaces à craindre.

Au fil de la journée, les chaînes de télévision divulguaient des informations précises sur le tueur. Omar Mateen, citoyen américain qui n'avait pas de casier judiciaire, possédait une licence d'agent de sécurité et un permis de port d'armes. Seddique Mateen, qui s'est présenté comme le père d'Omar Mateen, a déclaré à la chaîne NBC être «aussi choqué que le reste du pays», et a assuré que l'attaque n'avait «rien à voir avec la religion» mais avec l'homophobie de son fils qui, quelque temps plus tôt, s'était montré choqué par deux hommes qui s'embrassaient en public. De son côté, son ex-femme et mère de leur enfant de 3 ans expliquait au Washington Post que Mateen la «battait et était instable».

«L’Histoire peut reculer»

Malgré un mode opératoire rappelant douloureusement celui du Bataclan, le 13 novembre à Paris, ces informations sur la personnalité du suspect ont affaibli un temps la thèse d’une attaque liée au terrorisme jihadiste. Avant la revendication de l’EI, dans la soirée, certains médias américains affirmaient déjà que Mateen aurait appelé le numéro d’urgence 911 avant l’attaque, pour faire allégeance à l’EI, réveillant le traumatisme de San Bernardino. Il y a six mois, un couple d’origine pakistanaise avait abattu 14 personnes durant une fête dans un centre social en Californie, après avoir fait allégeance à l’Etat islamique dans un post sur Facebook.

Jeudi, le président américain, Barack Obama, avait prononcé un discours en ouverture de la huitième «Réception LGBT de la Maison Blanche», en ce mois de juin déclaré officiellement «mois de la fierté homosexuelle» aux Etats-Unis : «Désormais, nous vivons dans une Amérique où tous nos mariages sont égaux devant la loi. La discrimination, c'est du passé. Mais l'Histoire n'avance pas tout droit, elle peut reculer si nous ne travaillons pas dur.» Dans la soirée, la police de Los Angeles annonçait avoir arrêté un homme armé d'un fusil d'assaut et de matériel explosif, qui se rendait à la Gay Pride d'Hollywood.