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«Très discret» mais «raciste» et «agressif» : Omar Mateen vu par ses proches

Massacre à Orlandodossier
Né en 1986 aux Etats-Unis, de parents d'origine afghane, le tueur du Pulse semble avoir changé de personnalité dans les six dernières années.
Selfies non datés extraits de comptes d'Omar Mateen sur les réseaux sociaux. (Photos Reuters )
publié le 13 juin 2016 à 13h24
(mis à jour le 13 juin 2016 à 15h19)

Quelques minutes avant d'entrer, lourdement armé, dans la boîte de nuit gay et lesbienne le Pulse, à Orlando, en Floride, le tueur a appelé le 911, le numéro des services d'urgence américains, pour se revendiquer du groupe terroriste Etat islamique. Il était 2 heures du matin. Peu après, il commettait la pire tuerie aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001, au cours de laquelle 50 personnes sont mortes, et 53 blessées. Citant le nom du tueur présumé, abattu lors de l'assaut de la police, le président américain Barack Obama a déclaré dimanche soir que «Omar Mateen était une personne emplie de haine».

Qui était Omar Mateen ?

Citoyen américain, Omar Mir Seddique est né le 16 novembre 1986, semble-t-il à New York, avant de suivre ses parents, immigrés afghans, en Floride. Il a un frère plus jeune et trois sœurs. Il a obtenu un diplôme de sciences criminelles en 2006 à l'Université Indian River State, année où il a entamé des démarches pour ajouter à son nom le patronyme Mateen. En 2007, il est embauché comme agent de sécurité dans une grande entreprise privée britannique, G4S, pour laquelle il travaillait toujours au moment de l'attaque. Marié en 2009, il avait divorcé en 2011. Il est père d'un enfant de 3 ans, né d'une autre femme. Selon son dossier électoral accessible en ligne, il vivait à Fort Pierce, une ville côtière de Floride, à 200 km d'Orlando, mais recevait toujours du courrier à l'adresse de ses parents à Port Saint Lucie. Il s'était déclaré comme affilié au Parti démocrate, ce qui lui permettait de voter aux primaires du parti.

La personnalité de son père est particulière : il tient une émission sur une chaîne afghane qui émet de Californie, et poste des douzaines de vidéos sur YouTube sur la politique afghane, faisant l'éloge des talibans ou parodiant le président de l'Afghanistan. Le tout étant «assez incohérent», selon le Washington Post.

Etait-il connu de la police ?

Omar Mateen n'avait pas de casier judiciaire, mais avait été interrogé à trois reprises par le FBI dans le cadre de deux enquêtes. La première, en 2013, était liée à des propos radicaux qu'il aurait tenus sur son lieu de travail. Après enquête auprès de collègues, surveillance et vérifications, le FBI n'avait pas été en mesure d'établir qu'il avait bien tenu ces propos et avait classé le dossier. Un an plus tard, il avait de nouveau été interrogé au sujet de ses liens avec Moner Mohammad Abusalha, un Américain de Floride qui a rejoint l'EI avant de mourir dans un attentat suicide au camion piégé, en mai 2014. Mais la police fédérale avait estimé que le contact entre les deux hommes était «minimal» et ne «constituait pas une relation significative ou une menace», et refermé aussi cette enquête. Libre, sans antécédents judiciaires, Omar Mateen disposait de deux permis de détention d'armes et a pu acheter légalement un fusil d'assaut et un revolver quelques jours avant l'attaque.

Quel est son rapport à la violence ?

Un des rescapés de la tuerie d'Orlando a parlé d'un agresseur maître de lui-même, qui a agi avec méthode : «Il passait devant chaque personne au sol et lui tirait dessus, pour être sûr qu'elle était morte.» Daniel Gilroy, un de ses collègues, l'a décrit à NBC comme très consciencieux, souvent en avance au travail, fasciné par les forces de l'ordre, mais «raciste, belliqueux et toxique». Un autre collègue, Eric Baumer, a déclaré à Newsday que Mateen «avait toujours des choses méchantes à dire sur tout le monde, Noirs, juifs, gays, politiciens, soldats. Il avait beaucoup de haine en lui. Il m'a dit que l'Amérique avait détruit l'Afghanistan.» 

Son ex-femme, Sitora Yusifiy, qui avait fait sa connaissance via un site de rencontre, a expliqué dimanche au Washington Post que Mateen avait d'abord l'air normal. Mais qu'au bout de quelques mois, il a montré des signes de «maladie mentale», d'instabilité, et qu'il était devenu violent: «Il rentrait du travail et commençait à me taper, par exemple parce que la lessive n'était pas finie». Par ailleurs, elle a précisé qu'il rêvait de devenir policier – sur deux des selfies qu'il avait mis en ligne, il portait d'ailleurs un tee-shirt NYPD (New York Police Department). Dans un témoignage filmé par NBC, elle explique aussi qu'il l'empêchait de prendre contact avec sa famille et qu'il avait un problème avec les stéroïdes qu'il prenait :

Quelle était son attitude face à la religion ? 

D'après son ex-femme, qui dit avoir vécu dans la peur depuis qu'elle l'avait quitté, il n'était pas très dévôt et préférait passer son temps libre à faire du sport. Durant les quelques mois de leur mariage, il n'aurait pas émis de signes montrant qu'il était attiré par l'islamisme radical. Selon un de ses amis, il serait devenu plus religieux après son divorce, et aurait notamment fait le pélerinage à La Mecque. L'imam du centre islamique de Fort Pierce, Shafiq Rahman, a assuré qu'il venait régulièrement prier avec son père et son frère, et que ses sœurs avaient un rôle actif dans la communauté : «Il était très discret, ne parlait à personne. Il venait, priait et partait. Rien ne laissait supposer qu'il basculerait dans la violence». Une affirmation contredite par le fils de l'imam, qui l'a décrit comme «agressif».

Et face à l’homosexualité ?

Son père, Seddique Mateen, a affirmé à NBC dimanche que les motifs de l'attaque de son fils «n'avaient rien à voir avec la religion», mais avec l'homophobie. Il a raconté que quelques mois plus tôt, alors qu'il se trouvait avec son fils à Miami, celui-ci s'était montré très choqué de voir des hommes s'embrasser en public. Selon Gilroy, son collègue à G4S, Mateen «faisait toujours référence à toutes les autres races et religions d'une manière négative. Il n'aimait pas du tout les Noirs, et encore moins les femmes, à part pour le sexe.» De son côté, le site d'information Daily Beast rapporte le témoignage d'un de ses amis de lycée, drag queen nommé Samuel King. Celui-ci assure qu'il a beaucoup fréquenté Mateen, l'emmenant même «une fois ou deux à un drag show», sans qu'il ne manifeste aucune hostilité envers la communauté, buvant des verres avec des ami-e-s ouvertement gays ou lesbiennes. De son côté, Brice Miller, un de ses camarades de classe à Port St Lucie, a décrit à l'Orlando Sentinel un garçon non violent, mal aimé, qui se laissait intimider. Qui aurait changé de personnalité dans les dernières années de sa vie.