Si la nature exacte du lien entre Omar Mateen et l'Etat islamique (EI) reste à déterminer, celui-ci existe bel et bien. L'EI a revendiqué dimanche, via sa radio Al Bayan, l'un de ses canaux de propagande, le massacre dans la boîte de nuit d'Orlando. L'assaillant est qualifié de «soldat du califat». L'organisation jihadiste n'a pas pour habitude de revendiquer des attentats sans être impliquée.
Cela ne signifie pas pour autant que des responsables de l'Etat islamique l'aient organisé ou même commandité depuis le califat autoproclamé, à cheval sur la Syrie et l'Irak. L'attaque d'Orlando n'a pas grand-chose à voir avec celle qui a visé Paris et Saint-Denis le 13 novembre. Elle n'a mobilisé qu'un assaillant, qui a frappé une cible unique. Omar Mateen ne semble pas non plus avoir séjourné en Irak ou en Syrie (lire ci-contre). Il a déclaré son allégeance lors d'un coup de téléphone au 911, les services d'urgence américains, juste avant de débuter son carnage.
«Isolez l’Américain infidèle»
Son profil et le mode opératoire suivi s'apparentent bien plus à ceux des auteurs des attaques précédentes aux Etats-Unis. Le 3 mai 2015, à Garland (Texas), deux hommes avaient ouvert le feu lors d'un concours de caricatures de Mahomet organisé par un groupe d'extrême droite. L'attaque, qui avait fait un blessé léger et deux morts - les deux jihadistes -, avait été revendiquée par l'EI. Sept mois plus tard, Tashfeen Malik et Syed Rizwan Farook, un couple d'origine pakistanaise, s'attaquait à un centre de santé de San Bernardino (Californie), tuant 14 personnes et blessant 21 autres. Tashfeen Malik avait fait allégeance au «calife» Abou Bakr al-Baghdadi sur Facebook. L'EI s'était félicité de l'attaque, qualifiant ses auteurs de «partisans».
Ces «terroristes de l'intérieur», comme les nomme le département américain de la Sécurité intérieure, répondent aux appels de l'Etat islamique à frapper partout où il est possible de le faire, selon ses moyens et son expérience. «Si vous ne pouvez pas trouver d'engin explosif ou de munitions, alors isolez l'Américain infidèle, le Français infidèle, ou n'importe lequel de ses alliés. Ecrasez-lui la tête à coups de pierre, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le», avait déclaré Mohamed al-Adnani, porte-parole de l'organisation, dans le magazine de propagande Dabiq en septembre 2014, deux mois après la proclamation du «califat». Un appel répété en mai, un mois avant le début du ramadan.
«Un effet domino»
L’Etat islamique ne fait en réalité que reprendre la théorie dite du «troisième jihad» d’Abou Moussab al-Souri. Syrien d’origine, aussi détenteur de la nationalité espagnole, il est l’auteur de l’«Appel à la résistance islamique mondiale» publié sur Internet en 2004. Son idée : le jihad centralisé, porté par Oussama ben Laden et illustré par les attentats du 11 septembre 2001, est un échec puisqu’il a provoqué la perte du sanctuaire afghan.
A ces attaques massives, il préfère celles conçues sans commandement central. A force d'être répétées, espère-t-il, elles déclencheront des guerres civiles entre les minorités musulmanes et le reste des populations occidentales. L'Etat islamique mise donc à la fois sur ce jihad du pauvre, tout en organisant des attaques plus élaborées, telles celles de Paris, Saint-Denis et Bruxelles, qui ont mobilisé une quinzaine de jihadistes, dont plusieurs avaient rejoint l'Europe depuis le «califat». Les cibles désignées restent les mêmes : les juifs, les chrétiens, les «blasphémateurs» et les homosexuels.
Qualifiés de «déviants», ces derniers sont traqués dans les territoires de l'Etat islamique. «Quand ils capturent quelqu'un, ils inspectent son téléphone, ses contacts et ses amis sur Facebook. C'est un effet domino. Si un tombe, les autres aussi», a témoigné un Irakien devant le Conseil de sécurité de l'ONU à l'été 2015. Dans le «califat», les homosexuels risquent la condamnation à mort pour «sodomie». La peine est d'être précipité du haut d'un immeuble. D'après l'ONG Outright Action International, au moins 36 personnes avaient subi ce sort en Syrie et en Irak à la fin 2015.